Environ 130 policiers ont procédé mercredi dans la région de Montréal au démantèlement d'un réseau de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale aux ramifications internationales, dirigé par un fraudeur notoire. La Sûreté du Québec a gelé 48 millions de dollars de fonds, le plus gros blocage de son histoire et peut-être même de celle du pays.

Quatre personnes ont été arrêtées et sept perquisitions ont été menées dans le cadre d'une nouvelle phase du projet Dorade, qui s'attaque depuis 2007 aux fraudes fiscales et au recyclage des produits de la criminalité.Le stratagème employé par le réseau s'articulait autour de la société financière Speedo, située boulevard Rosemont.

Avec ses acolytes, le propriétaire de Speedo et cerveau de l'organisation, Ronald Chicoine, aurait créé des entreprises fictives à l'étranger pour ne pas avoir à payer les charges fiscales liées aux activités de sa société, spécialisée dans le prêt financier et privé.

D'un côté, Speedo prêtait en toute légalité de l'argent à des citoyens et à des entreprises.

Mais derrière ce paravent légal, la société recevait des fonds illicites de plusieurs cellules liées au crime organisé.

D'autres sommes provenaient d'un système de fausse facturation dans le secteur de la construction mis au jour dans une phase précédente du projet Dorade, en novembre 2008.Ronald Chicoine avait d'ailleurs été épinglé à l'époque et accusé d'avoir fabriqué de fausses factures totalisant 42 millions de dollars. Libéré sous caution, il était en attente de procès dans ce dossier. Son arrestation ne l'a pas empêché de poursuivre ses activités criminelles et de se faire pincer de nouveau.

Les sommes illicites recueillies par le réseau de Chicoine étaient mises à l'abri du fisc dans des entreprises fictives en Europe, en Suisse notamment, un paradis fiscal reconnu.

Le réseau de Chicoine payait ensuite des intérêts à des prête-noms européens complices, qui prétendaient représenter ses sociétés fictives.

Pendant ce temps, Chicoine disait au fisc ne pas pouvoir payer d'impôt puisque sa société québécoise devait rembourser des entreprises européennes - les siennes - qui lui prêtaient de l'argent.

En somme, Ronald Chicoine se prêtait son propre argent et parvenait ainsi à déjouer le fisc en plus de blanchir les fonds illicites investis au départ. Entre 1996 et 2009, l'organisation aurait ainsi fraudé le fisc de plus de 12 millions.

Photo: Rémi Lemée, Archives La Presse

En 2003, Ronald Chicoine avait été accusé de complot, de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale pour son rôle dans une organisation aux ramifications internationales.

Des mandats d'arrêt ont été lancés contre trois citoyens européens, deux Suisses et un Belge, qui ont servi de prête-nom.Les 48 millions de dollars bloqués correspondent aux actifs de Speedo (environ 38 millions de dollars), plus la valeur de plusieurs comptes bancaires en Suisse et au Canada et de quatre immeubles à Saint-Hubert et à Montréal. «On ne s'attaque pas seulement aux individus, mais aussi aux biens obtenus frauduleusement», a indiqué Denis Morin, chef du Service des enquêtes sur l'intégrité financière de la SQ, qui pilote le dossier.

Outre Ronald Chicoine, 51 ans, les policiers ont arrêté mercredi André Ronald Comeau, avocat radié du Barreau, Johanne Leroux, 49 ans, et Serge Perrier, comptable de 50 ans. Ce dernier, comme Ronald Chicoine, avait été épinglé au cours de la rafle de novembre 2008, qui s'était soldée par une vingtaine d'arrestations.

C'est la troisième fois que Chicoine se fait arrêter. En 2003, la Gendarmerie royale du Canada l'avait accusé de complot, de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale pour son rôle dans une organisation aux ramifications internationales. La SQ a dit mercredi avoir bon espoir que cette nouvelle arrestation et le blocage de la société Speedo mettront un frein à ses activités une fois pour toutes.

Mis à part les bureaux de Speedo, les policiers ont perquisitionné dans des bureaux d'avocats et de notaires, au bureau d'un comptable et dans deux résidences.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Une Porsche a notamment été saisie.