Les avocats d'Alexandre Bissonnette ont plaidé mercredi au palais de justice de Québec que l'article du Code criminel qui permet aux juges d'imposer des peines consécutives aux meurtriers de masse constitue du «populisme pénal».

Me Charles-Olivier Gosselin, qui représente l'auteur de l'attentat à la mosquée de Québec, a également défendu mercredi l'inconstitutionnalité de cet article du Code criminel canadien (l'article 745.51), sanctionné en 2011 dans la Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples.

Si le juge écarte cet argument lorsqu'il rendra son jugement à l'automne prochain - ce qui est d'ailleurs demandé par la Couronne -, l'auteur de l'attentat de Québec ne pourra pas demander de libération conditionnelle avant sa mort. 

Une personne jugée coupable d'un meurtre prémédité est condamnée à la prison à perpétuité, ce qui équivaut à 25 ans de détention avant de pouvoir demander une libération conditionnelle. Alexandre Bissonnette a tué six personnes en janvier 2017, cela porte donc le compte à 150 ans, selon ce que prévoit l'article 745.51. 

«Prendre la vie d'une personne (...) sans aucune possibilité [d'une éventuelle libération conditionnelle] parce qu'elle a commis des crimes très graves, ça s'apparente pour nous à l'expression de la loi du talion», a plaidé mercredi Me Gosselin.

«Tu prends une vie, on va prendre la tienne. Tu prends deux vies, on va prendre encore plus de ta vie. À notre sens, ce n'est pas une évaluation proportionnée en fonction des valeurs canadiennes et des valeurs de la Charte», a-t-il expliqué. 

L'américanisation de la justice? 

Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défense a également dénoncé qu'«aucune preuve» ne justifiait que des peines consécutives imposées aux meurtriers de masse baissaient le taux d'homicide au pays. 

«Lorsqu'on nous mentionne que des peines importantes doivent être imposées pour que le Canada ne se retrouve pas avec des problèmes de tueries de masse comme aux États-Unis, ce n'est manifestement pas appuyé sur aucune preuve quelconque, autrement que sur du populisme pénal», a plaidé Me Gosselin devant le juge François Huot. 

L'avocat de la défense a notamment cité des statistiques comparant les taux d'homicide entre les États-Unis et le Canada, où ce dernier pays affiche un meilleur bilan. Pourtant, aux États-Unis, il est depuis longtemps possible de condamner des meurtriers à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Il y aurait présentement près de 50 000 détenus dans cette situation, a-t-il affirmé.  

«Le taux d'homicide [au Canada est pourtant] est au plus bas depuis l'abolition de la peine de mort. (...) Lorsqu'on dit qu'il y a un problème à régler, il n'y en a pas. C'est un choix politique», a dit Me Gosselin. 

«Lorsqu'on nous dit qu'il ne faut pas se retrouver avec le problème des États-Unis, on va utiliser le même outil qu'ils utilisent. Manifestement, il ne fonctionne pas. Où veut-on en venir? Ça ne repose sur [rien]», a-t-il ajouté.

Pour cette troisième journée de procès cette semaine, Alexandre Bissonnette semblait plus calme que la veille. Il a demandé à ce qu'on lui retire ses menottes aux poignets afin qu'il puisse prendre des notes. Le juge François Huot a consenti à sa demande. 

Mardi, le procureur de la Couronne, Me Thomas Jacques, a livré un long plaidoyer pour que M. Bissonnette soit condamné à des peines consécutives. Pour ce faire, le juge Huot doit évaluer le caractère du délinquant, la nature de l'infraction qu'il a commise, ainsi que les circonstances l'entourant, a expliqué l'avocat.

La défense plaide de son côté pour que M. Bissonnette puisse demander une libération conditionnelle après 25 années purgées en détention.