«Moi, j'ai jamais tué personne. » Yves Nadeau le répète candidement à l'enquêteuse : sa conjointe Louise est tombée sur la télévision et s'est cognée la tête. L'homme de 59 ans, atteint d'une déficience intellectuelle légère, subit depuis lundi son procès pour le meurtre non prémédité de sa conjointe, poignardée dans leur logis de Hochelaga-Maisonneuve.

La responsabilité criminelle de Yves Nadeau devrait être au coeur de ce procès devant juge seul au palais de justice de Montréal. Lundi, la procureure de la Couronne Me Catherine Perreault a présenté la vidéo de l'interrogatoire de Yves Nadeau qui s'est déroulé quelques heures après la mort de sa conjointe Louise Girard, le 24 février 2014. 

Pendant plus de deux heures, l'enquêteuse interroge l'accusé en s'adressant parfois à lui comme à un enfant. Yves Nadeau raconte leur quotidien sans histoire dans le logis qu'ils partagent depuis deux ans et demi. Chaque matin, il se lève tôt, regarde Salut Bonjour et mange une «toast au beurre de peanut ». Quand Louise se lève, il lui prépare des saucisses. « Elle m'a dit que je faisais du bon manger», se souvient-il. L'après-midi, ils regardent des films à CinéPop ou à SuperÉcran et boivent parfois un verre de Molson Dry.

Dix jours avant le drame, ils devaient aller au Subway pour célébrer la Saint-Valentin, mais Louise a fait une chute près de la station de métro Joliette. «Elle s'est effoirée! Louise! Louise!», se remémore-t-il. La sexagénaire a dû être hospitalisée. Pendant l'interrogatoire, Yves Nadeau répète que Louise «tombe souvent» et avait des vertiges. « Ça doit être les médicaments» avance-t-il. Il mentionne également que sa conjointe était représentée par le Curateur public.

Le jour fatidique, Yves Nadeau dit qu'il était en train de se brosser les dents, lorsqu'il entend sa conjointe tomber dans le salon. « Elle a pogné une chute sur la télé, elle est tombée à terre... Elle s'est cogné la tête sur le bord de la table », raconte-t-il dans un récit confus. 

Il appelle le 911 à 15h26. 

Mais Louise Girard n'est pas morte d'une blessure à la tête, lui fait remarquer l'enquêteuse. Elle a été poignardée deux fois au ventre. De plus, des traces de sang invisibles à l'oeil nu ont été découvertes sur les bras et le ventre de l'accusé. Or, Yves Nadeau nie s'être lavé les bras. « J'ai pas rien fait de ça », répète-t-il, de plus en plus impatient. 

« On est convaincu que tu l'as fait. Des voisins ont entendu des cris. D'après moi, Louise a brisé la télé et que tu t'es fâchée après elle », lui suggère l'enquêteuse. « On se chicane jamais » répond-il. «Ça commence à faire les questions!», s'impatiente-t-il. À la fin de l'interrogatoire, vers 2h du matin, Yves Nadeau veut s'en aller. Il pense qu'il retournera chez lui et s'inquiète pour sa chatte Maggie.  L'interrogatoire policier devrait toutefois être écarté de la preuve en raison de la déficience intellectuelle de son client, soutient l'avocat de la défense Martin Latour. En contre-interrogatoire avec l'enquêteuse Hamelin du SPVM, il insiste d'ailleurs sur la déficience de son client. 

La policière nie avoir été au courant du handicap de Nadeau avant de l'interroger. Elle soutient toutefois avoir remarqué un «certain retard» au niveau de son langage. Un avertissement formel de « violence conjugale et de déficience mentale » était inscrit dans le document de contrôle des détenus, fait valoir Me Latour. Mais la policière n'a aucun souvenir de cet avertissement. 

Notons que Yves Nadeau n'est pas détenu pendant son procès. Lundi, il était accompagné de sa mère octogénaire dans la salle d'audience. 

Le procès se poursuit mardi matin au palais de justice de Montréal.