L'homme de 40 ans dont le comportement agressif avait forcé un avion à faire demi-tour sous escorte militaire américaine en juillet dernier a fait son temps, mais n'a pas encore payé sa dette, selon la Couronne.

Charalabos Nassios a plaidé coupable à des accusations de voies de fait, de menaces et de méfait, lui qui avait perturbé un vol de la compagnie Sunwing en direction de Cuba au point où celui-ci avait dû rebrousser chemin et revenir à l'aéroport Montréal-Trudeau en se faisant accompagner de deux chasseurs F-15 de l'armée américaine.

Les observations sur la peine à lui imposer, mardi au palais de justice de Montréal, n'ont pas permis d'en arriver à une suggestion commune, si ce n'est que celui-ci n'aura pas à retourner derrière les barreaux.

La procureure de la Couronne, Me Cynthia Gyenizse, a reconnu d'emblée que M. Nassios, qui a plaidé coupable aux accusations qui pesaient contre lui, avait déjà purgé 112 jours de prison en détention préventive, soit l'équivalent de 5 mois et demi selon le régime carcéral en vigueur. Une autre cause similaire à Québec en octobre dernier a valu 20 jours d'emprisonnement à l'accusée impliquée.

Elle a donc réclamé une condamnation avec sursis, mais y a ajouté un dédommagement de plus de 17 450 $, soit les dépenses que représentaient l'essence, les frais d'atterrissage, les salaires en temps supplémentaires des employés de Sunwing et les frais d'hôtel des 170 passagers.

Elle a aussi demandé une probation de trois ans et réclamé que l'accusé remette tout document de voyage et qu'il lui soit interdit de sortir du Québec durant ces trois années.

Me Gyenizse a présenté un rapport présentenciel dans lequel l'accusé a notamment raconté avoir consommé et vendu de la drogue lorsqu'il était jeune adulte, des «comportements qui lui auraient valu des condamnations criminelles», a avancé Me Gyenizse tout en reconnaissant que l'accusé n'avait aucun antécédent judiciaire.

La procureure a précisé que ce rapport ne montrait «pas d'introspection, pas de reprise en mains, pas de remords».

L'avocat de la défense, Me Tom Pentefountas, a au contraire noté que ce rapport présentenciel montrait que son client s'est «ouvert complètement et a exposé tous ses démons».

«N'est-ce pas là un signe de prise de conscience?», s'est interrogé l'avocat.

Me Pentefountas s'est vivement opposé à l'obligation de dédommager la compagnie Sunwing, faisant valoir que son client était «ruiné financièrement» et qu'il n'avait pas encore réussi à se retrouver un travail.

Le juriste a argumenté que si un dédommagement peut responsabiliser un accusé qui est «en moyens», il a l'effet contraire sur un accusé comme son client: «Quand on fait face à une personne qui est démunie financièrement (...) ça met des bâtons dans les roues de sa réinsertion sociale.»

«Ordonner un dédommagement quand la capacité financière est absente ne sert pas les intérêts de la justice», a martelé Me Pentefountas.

Il a ajouté que M. Nassios n'a pas commis un abus de confiance et n'a pas détourné d'argent du transporteur aérien et que, de toute façon, Sunwing aura toujours le loisir de poursuivre son client au civil plus tard si telle est son intention.

Quant à l'interdiction d'avoir des documents de voyage et de sortir du Québec durant trois ans, Me Pentefountas s'est dit «en désaccord total» avec la Couronne.

«C'est très certainement excessif», a affirmé l'avocat, soulignant qu'une telle condition empêcherait son client de se rendre ailleurs au Canada ou aux États-Unis, et ce, même en voiture.

Le juge Pierre Dupras, de la Cour du Québec, a pris sa décision en délibéré après avoir entendu les parties au dossier.