La mère de la petite Vanessa Biron, défigurée par un pitbull dans un parc de Brossard en 2015, a fait le récit de cette journée cauchemardesque, lundi, au procès du propriétaire du chien Karim Jean-Gilles, accusé de négligence criminelle causant des blessures. « Le chien l'a traînée sur trois, quatre mètres par la tête... », lâche Magdalena Biron.

La petite Vanessa, maintenant âgée de 10 ans, garde d'importantes séquelles, physiques comme psychologiques, de l'agression d'une rare violence. Les crocs du pitbull ont déchiré complètement ses glandes salivaires et son canal auditif. La fillette doit suivre une thérapie pour réapprendre à sourire, puisque le côté droit de son visage est resté paralysé partiellement. « Son état actuel, c'est comme ça qu'elle va rester », a confié difficilement sa mère, à la barre des témoins.

DES MINUTES D'HORREUR

Le 20 septembre 2015, Magdalena Biron et ses deux fillettes de 5 et 7 ans profitent de la magnifique journée ensoleillée pour jouer au parc Marquise, à Brossard, un quartier résidentiel très tranquille. Elles ignorent toutefois que les deux chiens de l'ex-agent immobilier Karim Jean-Gilles, Ashes et Jordan, sèment la terreur dans le voisinage.

Ce jour-là, la mère de l'accusé, la septuagénaire Hyacinth Parker, se trouve au parc avec les deux chiens, dont le pitbull Ashes. Ils n'ont ni laisse, ni collier, ni muselière. Pour cette raison, la tension monte rapidement entre les deux femmes. Les chiens sont agressifs. Les deux fillettes, terrorisées, se mettent à courir. Le pitbull s'attaque alors à la petite Vanessa.

Malgré les efforts de la vieille dame qui tente de protéger la fillette, puis de battre l'animal avec une branche, le pitbull mord le visage de Vanessa et la traîne sur plusieurs mètres. Magdalena Biron tente désespérément de libérer sa fille de l'emprise potentiellement mortelle en lui sautant dessus. « J'ai senti ses dents sur ma tête », témoigne la mère de famille. Pendant ce temps, le second chien tourne autour d'eux en grognant.

« [Vanessa] a tenté de se protéger avec les mains, poursuit-elle. Sa main droite a été fracturée. Le chien a ensuite réussi à la prendre par le cou. [...] Sa main était en sang, il y avait des trous... Son cou était ensanglanté, sa mâchoire a été cassée en sept morceaux. »

« C'était traumatisant... raconte-t-elle en pleurant. J'essayais de protéger ma plus vieille fille et je ne savais pas où était la plus jeune. »

Quand, finalement, le chien retire ses crocs, à l'arrivée de Karim Jean-Gilles, Magdalena Biron bondit sur sa fille pour la protéger et reste blottie pendant au moins cinq minutes jusqu'à l'arrivée des secours.

Les cris « hystériques » des deux femmes alertent Line Bonenfant qui habite près du parc. La voisine s'approche de sa clôture et voit deux chiens agressifs tourner autour de l'enfant. Elle prend une pelle et se rue dans le parc. « J'avais vu la grosseur des chiens, alors je ne suis pas arrivée les mains vides ! », témoigne-t-elle.

Au parc, elle voit Karim Jean-Gilles lutter avec un de ses chiens pour le contrôler.

« Le chien grognait, il était hors de contrôle, témoigne Line Bonenfant. Ça lui a pris du temps pour maîtriser le chien. Ç'a été une grosse bagarre ! Il était carrément sur le chien. »

Pendant ce temps, elle ordonne au second chien, un « gros chien assez solide » de s'asseoir. « Je ne les ai jamais entendus donner une commande verbale à un de ses chiens », déplore-t-elle.

Plus tard en soirée, Karim Jean-Gilles, qui habite à seulement 50 mètres du parc avec sa mère, refuse de sortir de chez lui. Les policiers encerclent la maison et donnent un coup de bélier sur sa porte. Il ouvre finalement, puis est arrêté pour entrave et bris d'engagement. Les deux chiens sont incontrôlables à l'intérieur. L'un d'eux fonce carrément sur un policier. « J'ai vraiment eu peur. J'ai dû l'asperger 2-3 secondes en plein visage [de gaz poivre]. J'avais la main sur mon arme », raconte le policier Jean-Marcel Gaudreau.

Les deux chiens de Karim Jean-Gilles se promenaient fréquemment dans le voisinage sans laisse, sans collier et sans surveillance, ont témoigné plusieurs voisins lundi. Les chiens réussissaient à sortir de la cour arrière en évitant facilement le bac de recyclage couché censé bloquer la sortie. Une voisine a raconté avoir été terrorisée par les chiens une nuit en sortant de son véhicule, alors qu'un homme a expliqué que son chien avait été gravement blessé par une morsure d'un animal de Karim Jean-Gilles.

La procureure de la Couronne Claudie Gilbert a fini de présenter sa preuve lundi au palais de justice de Longueuil. Dans le box des accusés, Karim Jean-Gilles, qui se représente seul, n'a contre-interrogé aucun des 12 témoins de la poursuite. Impassible, il n'a même pratiquement prononcé aucun mot. Il pourrait présenter une défense ce matin, bien qu'il n'ait pas semblé enclin à le faire lundi.

Notons que sa mère, Hyacinth Parker, a plaidé coupable en novembre dernier à une accusation de négligence criminelle causant des blessures et a été condamnée à trois ans de probation.

Le propriétaire du pitbull ayant défiguré une fillette de Brossard l'an dernier, Karim Jean Gilles.

Martin Tremblay, archives La Presse

Le spécialiste qui s'occupe de la fillette montre une photo de la blessure de Vanessa et une animation 3D de sa mâchoire.