Le Montréalais Kwasi Alfred Benjamin a fermement nié hier avoir étranglé sa conjointe d'origine inuite Nellie Angutiguluk au terme d'une tragique nuit de beuverie en mai 2015, deux jours après sa sortie de prison. « Non ! Malgré ses défauts, j'ai toujours aimé cette fille », a-t-il assuré au jury.

L'homme de 32 ans, dont le procès pour meurtre non prémédité s'est amorcé il y a un mois, s'est toutefois retrouvé sur la sellette en contre-interrogatoire pour avoir autant tardé à appeler le 9-1-1, le lendemain de la mort de son amoureuse, retrouvée morte étranglée dans leur lit par les policiers.

Nellie Angutiguluk, 29 ans et mère de trois enfants, habitait depuis 2013 avec Kwasi Alfred Benjamin dans son appartement du quartier Côte-des-Neiges. Elle s'était auparavant retrouvée dans la rue, à Montréal, après avoir quitté sa famille et son village natal de Puvirnituq, dans le Nord-du-Québec, à la suite de la mort de son mari.

« Nous avions une très bonne relation, mais nous avions nos hauts et nos bas », a témoigné Kwasi Alfred Benjamin, vêtu d'un complet noir. Le couple buvait des quantités importantes d'alcool pratiquement tous les jours et se disputait souvent pour des questions d'argent. La nuit tragique au coeur du procès n'a pas fait exception. Le soir du 17 mai 2015, ils ont bu chacun pas moins de 16 bières dans un parc, puis se sont rendus dans un bar vers minuit.

Au retour du bar, Nellie Angutiguluk s'est rendue dans la chambre, alors que l'accusé a pris une dernière bière et regardé la télévision. Vingt minutes plus tard, il a découvert sa conjointe, le dos contre le mur, le menton sur la poitrine, inerte. « Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai déposée sur le lit », a décrit Kwasi Alfred Benjamin. Nellie pouvait dormir « un ou deux jours » quand elle était ivre, a-t-il expliqué.

Le lendemain matin, Kwasi Alfred Benjamin s'est réveillé aux côtés de sa conjointe. Il a essuyé de l'écume de la bouche de cette dernière, mais n'a pas vérifié si elle respirait toujours. Il s'est rendu au travail en début d'après-midi et est revenu vers 21 h. Il a alors réalisé alors que la jeune femme était dans la même position. Il a tenté de la réveiller, mais n'y est pas arrivé. Or, il n'a jamais vérifié si elle respirait toujours. « Je pensais qu'elle dormait ! », a-t-il martelé devant les questions insistantes du procureur de la Couronne Dennis Galiatsatos en contre-interrogatoire. Pourquoi n'a-t-il pas téléphoné au 9-1-1 ? « Je pensais qu'elle dormait ! », a-t-il répété plus d'une dizaine de fois, visiblement agacé.

Comme Nellie ne se réveillait pas, l'accusé a cherché « de l'aide » en tentant de joindre frénétiquement son patron et la mère de Nellie. Pendant trois heures, il a ainsi fait l'aller-retour entre son appartement et une cabine téléphonique extérieure, puisqu'il n'avait pas de cellulaire. Sur des caméras de surveillance, on le voit marcher lentement, puis rester immobile de longues secondes. « Est-ce que vous étiez en train de penser à ce que vous alliez dire aux policiers ? », lui a lancé Me Galiatsatos. « Non ! , a-t-il rétorqué, irrité. Je pensais que ma copine [girl] dormait ! » Ce n'est qu'après minuit qu'il a prévenu le 9-1-1 que sa conjointe ne se réveillait pas, mais respirait toujours.

IL SE DÉCRIT COMME « UN HOMME DE DIEU »

Selon le rapport d'autopsie, Nellie Angutiguluk est morte d'une « strangulation au lien ». Une mince bande rougeâtre et un « étroit sillon » étaient bien visibles autour de son cou. Son taux d'alcoolémie était presque quatre fois plus élevé que la limite légale pour prendre le volant, mais ce n'était pas suffisant pour expliquer sa mort, selon la pathologiste judiciaire.

Pendant son témoignage, hier, Kwasi Alfred Benjamin n'a jamais tenté d'expliquer comment sa conjointe aurait pu perdre la vie cette nuit-là. Toutefois, il a raconté au jury être intervenu de justesse lors de deux tentatives de suicide par strangulation de sa compagne au cours du mois précédant sa mort.

Au début du mois de mai, il dit avoir trouvé Nellie à genoux dans le placard de leur chambre, en train de s'étrangler avec la corde d'alimentation électrique du réveille-matin. Deux semaines plus tôt, il l'avait découverte en train de se pendre avec sa ceinture dans la salle de bains. Dans aucun des deux cas il n'avait téléphoné au 9-1-1.

L'accusé de 32 ans s'est dépeint hier comme un « homme de Dieu » prêt à aider son prochain. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a accepté d'héberger chez lui sa « nouvelle amie » Lizzie quelques jours après la mort de Nellie. Cette femme l'avait d'ailleurs accompagné aux obsèques de sa conjointe. Il jure toutefois qu'elle n'était pas sa petite amie.

Son contre-interrogatoire se poursuit ce matin au palais de justice de Montréal. Il est défendu par Me Paul Skolnik.

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Kwasi Alfred Benjamin