Michel Fournier, ex-président de la Société des ponts fédéraux, a plaidé coupable ce matin à des accusations de fraude envers le gouvernement et blanchiment d'argent, en lien avec des pots-de-vin de 2,3 millions de dollars, obtenus il y a 15 ans, de SNC-Lavalin, dans le cadre du contrat de réfection du pont Jacques-Cartier. L'homme de 65 ans a écopé d'une peine de cinq ans et demi de prison. Il a pris le chemin de la prison immédiatement, menottes aux poignets.

Michel Fournier, ex-président de la Société des ponts fédéraux, a écopé cinq ans et demi de prison, jeudi, après avoir plaidé coupable à des accusations de fraude envers le gouvernement et blanchiment d'argent. Ceci parce qu'il avait empoché 2,3 millions de dollars en pots de vin.

Ces sommes lui avaient été versées il y a une quinzaine d'années par la firme SNC-Lavalin, qui avait obtenu le contrat de réfection du pont Jacques-Cartier. Ce contrat de 127 millions de dollars consistait à remplacer le tablier du pont et installer 1528 dalles de béton.

« La preuve était accablante », a noté le procureur de la Couronne, Louis-Philippe Meek Baillot, lors de l'audience, jeudi. Il a expliqué que l'enquête menée par la GRC a permis de démontrer que M. Fournier a reçu 2 345 230 $ de SNC-Lavalin, entre le 1er février 2001 et le 24 octobre 2003. Les paiements ont été faits dans des comptes en Suisse, par l'intermédiaire d'une compagnie tierce, Promotag S.A.R.L, et l'utilisation de fausses conventions de service-conseil. M. Fournier avait lui-même ouvert les comptes en Suisse, en novembre 2000, un mois avant l'attribution du contrat, ainsi qu'en novembre 2002, lors de visites en Suisse, a relaté le procureur.

Selon l'exposé conjoint des faits, M. Fournier a tenté de donner « un air de légitimité à l'opération, en manoeuvrant pour faire croire que les sommes de Promotag provenaient du patrimoine de sa belle-soeur, aujourd'hui décédée. » Les crimes admis par M. Fournier se sont produits entre le 1er février 2001 et le 7 juillet 2009. À partir de 2007, M. Fournier s'est employé à rapatrier les sommes des comptes suisses au Canada. Il a utilisé une compagnie-écran aux îles Vierges, Flonast International, pour ce faire. Les sommes du pot-de-vin ont fait l'objet de « placements audacieux », qui auraient entraîné des pertes de 1,5 million. Seule une somme de 775 000 $ a pu être confisquée, dans le cadre des présentes procédures. L'enquête de la GRC a commencé en 2013 dans cette affaire.

La peine était une suggestion commune des parties, que le juge Manlio Del Negro a entérinée. Dans le cadre de la même audience, le ministère public a retiré les accusations qui pesaient contre Judith Barkley Fournier, l'épouse de M. Fournier, qui était représentée par Me Éric Sutton. L'avocat de M. Fournier, Me Marc-Antoine Carette a indiqué que le couple était séparé.

Bien placé

M. Fournier a été président-directeur général de la Société des ponts fédéraux et président des Ponts Jacques Cartier et Champlain de 1997 à 2004. Il gagnait environ 200 000 $ par année, et a pris sa retraite à 55 ans. Il reçoit une pension du gouvernement. 

« Vous aviez un emploi que la plupart des gens rêveraient d'avoir. Vous aviez une position, un bon salaire... Seulement 0,5 % de la population au Canada peut gagner un salaire comme ça. Vous avez pris une retraite à 55 ans avec une pension du gouvernement. La plupart des gens doivent travailler après 65 ans », a signalé le juge Del Manlio, au moment d'imposer sentence.

« Quinze ans après, la justice a le bras long. De plus en plus, on voit des gens comme vous qui détournent à leur bénéfice par leur fonction. Ça montre qu'il y a des conséquences très sérieuses à ça », a noté le juge, après avoir signalé que M. Fournier avait « l'air d'une personne respectable. »

SNC-Lavalin, pas accusée

Aucune accusation n'a été portée contre SNC-Lavalin dans cette affaire. Me Meek Baillot ne voulait pas se prononcer à ce sujet et a invité les médias à se renseigner auprès de la GRC. À cet endroit, le porte-parole Harold Pfleiderer a indiqué qu'il n'y aurait pas de commentaires publics pour le moment. « En règle générale, ce n'est que lorsqu'il y a dépôt d'accusations criminelles, que la GRC confirmera la tenue d'une enquête, la nature des accusations, et l'identité de la ou les personnes concernées », a-t-il indiqué, par voix de courriel.

Chez SNC-Lavallin, Louis-Antoine Paquin, a indiqué que la firme avait collaboré activement avec la GRC dans le cadre de cette enquête. « Cela s'est passé entre 2002 et 2004. À notre connaissance, les individus [en question] ne sont plus à l'emploi depuis longtemps. »