Lorsque Benoit Roberge s'est fait arrêter samedi soir après une transaction avec un agent double, il était accompagné d'un individu lié à la mafia italienne qui aurait agi pour lui en tant que témoin, ont révélé des sources dignes de foi à La Presse. Peu après la discussion avec l'agent double, Roberge et son accompagnateur sont repartis en véhicule et ont été immédiatement interceptés par les membres du Groupe tactique d'intervention de la Sûreté du Québec. L'homme qui l'accompagnait a été relâché sans que des accusations soient portées contre lui.

Mardi, Radio-Canada a révélé que l'ex-policier s'est fait coincer par un agent double qui menaçait de révéler un enregistrement dévoilant ses liens douteux avec le Hells René Balloune Charlebois. Roberge aurait en effet rencontré Charlebois en prison et eu avec lui des conversations compromettantes que le motard aurait enregistrées. Lorsque Charlebois s'est évadé de prison à la mi-septembre, il a emporté les enregistrements et les a confiés à une tierce personne. Après le suicide du motard, cette personne les a remis aux policiers.

Selon des informations révélées à Radio-Canada et confirmées à La Presse, l'agent double a rencontré le policier retraité et lui a demandé 50 000$ en échange de son silence. Roberge aurait offert 10 000$ sur-le-champ, puis le reste de la somme plus tard. Il a été arrêté peu après.

Des collègues policiers de Roberge du temps qu'il était enquêteur au crime organisé font aussi l'objet d'une enquête pour lui avoir transmis des informations confidentielles vendues ensuite aux Hells, a appris La Presse.

Il est cependant possible que ces informations aient été transmises de bonne foi, mais une chose est certaine, les renseignements transmis au crime organisé en échange d'argent ne provenaient pas uniquement des dossiers pilotés par Benoit Roberge. Il est clair que ses collègues les plus proches du temps qu'il était enquêteur à l'escouade régionale mixte de Montréal seront interrogés et qu'on leur offrira de passer le test du polygraphe, nous a-t-on dit.

Un policier respecté

Contrairement à la taupe Ian Davidson, qui était un solitaire, Benoit Roberge, surnommé Ben ou Ti-Ben par tous ceux avec qui il a travaillé, était un «gars de gang et de party».

«Il avait la confiance de tout le monde. Tout le monde», souligne une source qui a travaillé à ses côtés pour faire condamner les motards. La majorité des policiers et ex-policiers à qui La Presse a parlé hier ont affirmé qu'ils ont été estomaqués.

Or, les policiers qui ont enquêté sur l'affaire Roberge estiment détenir un dossier béton. Durant trois ans, cet expert du crime organisé aurait échangé des informations «de façon régulière» avec des criminels. Aucun prix n'était fixé d'avance, nous a-t-on expliqué. Roberge aurait donné une information qui était ensuite "évaluée" par les Hells, qui décidaient ensuite de la somme à lui donner.

Rappelons que deux enquêtes d'envergure sur le crime organisé ont fait l'objet de fuites ces dernières années, dont le projet Loquace. Le jour de l'opération, le 2 novembre 2012, quatre des six chefs présumés du réseau sont parvenus à échapper aux policiers. Or, la conjointe de Roberge, Me Nancy Potvin, est procureure au Bureau de la lutte au crime organisé et était affectée au projet Loquace. Nos sources nous indiquent toutefois qu'elle aurait été tenue dans l'ignorance des agissements de son conjoint et qu'elle est "défaite" par toute cette affaire. 

Le début de la révolte?

Policier efficace et plein d'avenir, Benoit Roberge avait une carrière très florissante en tant qu'expert des motards dans l'escouade régionale mixte de Montréal, et ce, jusqu'à l'arrestation du Hells Angel Paul Fontaine, en mai 2004. Peu après, une dispute retentissante a éclaté entre le patron de l'époque, Richard Dupuis, et Roberge concernant l'une des sources du policier. Celui-ci a par la suite été envoyé aux enquêtes générales du centre opérationnel Est du SPVM, où il a passé au moins deux ans à ruminer et où il est devenu très amer. «C'est certain que si Benoit avait pu prendre sa pension à ce moment-là, il aurait quitté la police», nous a-t-on dit.

Selon plusieurs sources, c'est peut-être à ce moment que Benoit Roberge a été tenté de «changer son capot de bord» parce qu'il était «très déçu» de son organisation policière. Mais vers 2007, il a pu réintégrer l'escouade régionale mixte contre vents et marées. Il s'est joint aux enquêteurs du projet SharQc vers la fin de l'enquête, dans laquelle il n'a pas occupé de rôle central.

Benoit Roberge n'a eu aucun contrôle sur les sept délateurs du projet, mais en revanche, il a témoigné durant des enquêtes cautions et a participé à des rencontres avec le témoin-vedette Sylvain Boulanger.

Depuis son arrestation, Roberge s'enferme dans le mutisme. Pour sa part, le chef de police de Montréal, Marc Parent, va briser le silence et rencontrer les médias aujourd'hui.