Les odeurs entremêlées de poudre, de chair brûlée et de sang attendaient les premiers policiers arrivés à la boutique Flawnegeo du caïd Ducarme Joseph où une spectaculaire fusillade venait de faire deux morts, l'après-midi du 18 mars 2010.

C'est ce qu'a raconté mercredi l'agent Christian Viel-Rioux du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) au procès devant jury des trois individus accusés des meurtres de Peter Christopoulos et de Jean Gaston commis dans le commerce de la rue Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal.

M. Viel-Rioux, qui était alors patrouilleur au poste de quartier 21, se trouvait dans son auto-patrouille, en compagnie de son partenaire, lorsqu'un appel décrivant «des employés d'une boutique qui se sont fait tirer» a retenti sur les ondes, à 13h43.

En arrivant sur les lieux, trois minutes plus tard, le policier aperçoit près d'une voiture «un homme de race noire qui était paniqué, avec les bras dans les airs, qui tenait un téléphone». M. Viel-Rioux sort du véhicule et dégaine son arme. Il veut aborder l'homme, mais celui-ci s'engouffre aussitôt dans le commerce. Le policier le suit, et dès qu'il entre à l'intérieur, il est saisi par l'odeur qui règne.

Une fois dans la boutique, l'agent réalise que l'homme énervé n'est nul autre que Ducarme Joseph, «un acteur important du crime organisé à Montréal, bien connu de nos services», a-t-il raconté à la juge Carol Cohen, de la Cour supérieure, et aux sept hommes et cinq femmes qui composent le jury.

Près d'une salle de bains en rénovation, M. Viel-Rioux découvre l'électricien Alain Gagnon, qui gît dans une mare de sang. Il lui parle, mais la victime, qui souffre d'une grave blessure à la mâchoire, est incapable de lui répondre. «J'ai pris mon couteau et j'ai coupé sa ceinture d'électricien dans laquelle il portait tous ses outils, en attendant les ambulanciers», a poursuivi l'agent.

Après s'être penché sur la première victime, le policier continue sa prudente avancée et est sidéré par le nombre de douilles qui jonchent le sol et les traces d'impacts qui criblent les murs. Il constate la présence sur le plancher de deux armes de poing, d'un chargeur contenant plusieurs balles et d'une mitraillette de style Uzi, puis il aperçoit un autre corps, celui de Jean Gaston. Il prend le pouls de ce dernier et réalise qu'il n'y a plus rien à faire. Il découvre quelques minutes plus tard le cadavre de Peter Christopoulos.

Une fois l'endroit sécurisé, l'agent Viel-Rioux retourne à son auto-patrouille pour prendre son appareil photo personnel, avec lequel il capte 18 clichés saisissants de la scène. Le policier a terminé son témoignage hier, et son partenaire, Lambert, a pris la relève. Le procès se poursuit aujourd'hui et devrait durer environ deux mois.