La Sûreté du Québec et d'autres partenaires d'enquête ont mis fin ce matin aux activités d'un groupe de fraudeurs qui aurait privé l'État de 14,5 millions de dollars en impôts en retirant illégalement des Comptes de retraite immobilisés (CRI) au profit d'épargnants, mais en s'octroyant une généreuse part du gâteau au passage.

Au total, 14 perquisitions ont été menées à Montréal, Québec et dans les couronnes nord et sud de Montréal, dans des résidences, des bureaux d'affaires et des comptoirs postaux.

Dix personnes ont été arrêtées dont deux des têtes dirigeantes présumées, Michel Rolland et Alexandre Royer. Le frère de ce dernier et autre leader allégué du groupe, Antoine Royer, 34 ans de l'arrondissement Saint-Hubert à Longueuil, est toujours au large. Celui-ci habite un modeste bungalow qui ne laisse présager aucune vie fastueuse.

«Mais il y avait chez lui beaucoup de va-et-vient de gens en voitures très dispendieuses», raconte un voisin.

Cette enquête, nommée Projet Îlot, a été amorcée à l'été 2011 par la SQ, l'Autorité des marchés financiers, Revenu Québec et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.

Les cerveaux du réseau auraient réussi, au bénéfice de 300 épargnants, à retirer le contenu de leur CRI sans payer d'impôt. Ce type de placement que l'on acquiert généralement lorsqu'on quitte une entreprise avec ce que l'on y a accumulé comme caisse de retraite ne peut être retiré avant l'âge de 65 ans, sauf en des circonstances exceptionnelles réduisant l'espérance de vie de son propriétaire.

On peut toutefois le transférer d'un gestionnaire de portefeuille à un autre.

C'est ainsi que les fraudeurs ont créé des sociétés bidon de gestion de portefeuille dans lesquelles les épargnants, recrutés grâce à de la publicité et au bouche à oreille, ont transféré leur CRI.

«Ce stratagème a permis à des individus (les investisseurs) ayant des sommes placées dans un compte de retraite immobilisé de défiscaliser celles-ci en les transférant sans incidence fiscale dans un régime de pension agréé d'une des sociétés du réseau. Ces sociétés devraient administrer les fonds reçus dans le but de fournir une prestation de retraite aux bénéficiaires, mais elles font plutôt office de sociétés paravents pour permettre la réalisation du stratagème», explique Stéphane Dion, chef des relations publiques à Revenu Québec.

En gros, au lieu d'administrer leur CRI, ces sociétés remettaient plutôt aux épargnants les sommes contenues dans leur placement. Mais en se prenant de très généreux honoraires au passage à même ces sommes, parfois plus de la moitié du montant total. Elles laissaient entendre aux épargnants qu'elles retenaient ces sommes pour régulariser leur situation vis-à-vis de l'impôt, le jour où leur CRI pourrait être légitimement retiré. Mais c'est plutôt pour leur profit personnel qu'elles conservaient ces sommes, selon nos sources.

Le niveau de connaissance de l'illégalité de l'opération de ces 300 épargnants n'est pas connu pour l'instant, aucun n'est accusé.

«Cela fait partie de l'enquête», se limite à dire M. Dion.

Les suspects arrêtés n'étaient pas connus de la Sûreté du Québec, mais le seraient des enquêteurs des autorités fiscales.

La plupart devraient comparaître aujourd'hui ou demain pour être accusés de fraude.

Revenu Québec a également annoncé qu'elle entamait des mesures de recouvrement contre Alexandre Royer, qui devrait 210 000 $ au fisc en impôts impayés. Revenu Québec a obtenu l'autorisation judiciaire de saisir les biens de l'homme de l'île des Soeurs pour se rembourser.