Rania Djermane devait être un des témoins-clés de la Couronne fédérale au procès pour terrorisme de Sabrine Djermane et d'El Mahdi Jamal, l'an dernier. Or, la jeune femme avait été accusée d'entrave à la justice en plein milieu du procès pour avoir menti aux policiers. Mardi, la poursuite a mis fin au processus judiciaire en retirant l'accusation, sans donner d'explications à la cour.

Au terme de leur long procès, les deux ex-élèves du collège Maisonneuve ont été acquittés en décembre dernier de tous les chefs d'accusation liés au terrorisme. Le jury n'a toutefois jamais entendu la version de Rania Djermane, qui avait rapporté deux ans plus tôt aux enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) des propos fort incriminants de sa soeur Sabrine.

« Si tu dois tuer des gens pour sauver tes frères musulmans, tu dois le faire. Nous sommes corrompus en restant au Canada. Ici au Canada, on cache les vraies paroles du prophète. Les imams sont corrompus. La GRC est partout dans les mosquées », aurait déclaré Sabrine Djermane à sa soeur en avril 2015, selon des mandats de perquisition.

Toujours selon ces mandats, Sabrine Djermane aurait raconté à Rania son intention d'aller combattre en Syrie et être prête à « commencer ici ». Sabrine voulait « quand même combattre en Syrie », même si elle faisait « de 15 à 20 ans de prison ici ». De plus, elle se vantait d'avoir « déjoué la GRC » et voulait savoir qui l'avait dénoncée, a rapporté Rania Djermane aux enquêteurs.

Rania Djermane a été accusée en octobre 2017 d'avoir « volontairement tenté d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice en déclarant avoir menti lors de déclarations antérieures », le 14 mai 2016 à Montréal. Cette date correspond à l'enquête préliminaire de Sabrine Djermane et d'El Mehdi Jamali. Elle n'a finalement témoigné ni à l'enquête ni au procès de sa soeur.

BRÈVE AUDIENCE

« Nous sommes très satisfaites de la décision », a brièvement réagi Me Cassandra Tanguay, avocate de Rania Djermane, à la sortie de la salle d'audience. Comme seul commentaire, le procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Me François Allard, nous a renvoyé à une procédure du DPCP. Devant le juge Pierre Dupras, le procureur a simplement indiqué le retrait des accusations, sans plus de détails. L'audience a duré à peine deux minutes.

Selon la théorie de la Couronne fédérale défendue au procès, Sabrine Djermane et El Mehdi Jamali souhaitaient construire une bombe au Canada au profit d'un groupe terroriste. Les policiers avaient d'ailleurs trouvé une recette de bombe artisanale écrite par M. Jamali et copiée d'un magazine d'Al-Qaeda. La Couronne a également tenté de convaincre le jury que les deux cégépiens s'étaient acheté un billet pour Athènes afin d'aller commettre un acte terroriste. Une théorie complètement rejetée par les avocats de la défense.

ACQUITTÉE 

Sabrine Djermane a finalement été acquittée de tous les chefs portés contre elle, soit d'avoir tenté de quitter le Canada en vue de commettre un acte terroriste à l'étranger, d'avoir eu en sa possession une substance explosive dans un dessein dangereux et d'avoir commis un acte au profit ou sous la direction d'un groupe terroriste, soit le groupe armé État islamique. Son copain, El Mahdi Jamali, a été acquitté des mêmes accusations liées au terrorisme, mais il a été reconnu coupable d'une accusation réduite de possession d'une substance explosive sans excuse légitime.

Malgré son acquittement, le couple doit respecter jusqu'en mai prochain de sévères conditions restreignant sa liberté. Le jeune couple s'est engagé en mai dernier à ne consulter aucun matériel faisant la promotion du terrorisme et à ne pas fréquenter la mosquée Assahaba, dont Adil Charkaoui est le président.