Un criminaliste et sa femme, arrêtés, fouillés à nu et accusés de tentative d'entrave à la justice jusqu'à ce que les chefs portés contre eux soient abandonnés sans explication, viennent de déposer une poursuite civile de plus de 1 million de dollars contre le Procureur général du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec, deux procureurs et deux enquêteurs de la SQ.

L'avocat en question est Me Régent Laforest.

Selon les faits décrits dans sa requête introductive d'instance de 23 pages déposée le 10 août dernier, Me Laforest a représenté un individu arrêté dans une importante opération antigang menée en 2012. Durant les procédures, son client a manifesté l'intention de faire témoigner un coaccusé et a demandé à Me Laforest de faire parvenir un document à ce dernier. Mais les policiers ont conclu à un complot de parjure visant à disculper le client de Me Laforest et ils ont soupçonné ce dernier d'y avoir pris part.

Me Laforest et sa femme, Ginette Marcoux-Laforest, qui est aussi son assistante, ont été arrêtés à leur résidence de Saint-Adolphe-d'Howard vers 8 h le 11 août 2015 pour tentative d'entrave à la justice. Ils ont été amenés au poste de la Sûreté du Québec de Sainte-Agathe-des-Monts, où ils ont été longuement interrogés. Selon la poursuite, ils ont ensuite été conduits au palais de justice de Saint-Jérôme, où ils ont été écroués, fouillés à nu et incarcérés. Menottés, avec des entraves aux chevilles, ils ont ensuite comparu devant un juge - en présence de collègues de Me Laforest - avant d'être libérés à certaines conditions, dont celle de contracter des engagements sans dépôt de 5000 $ et de 2500 $.

« Lors de l'émission du mandat d'arrestation, il n'existait aucune raison justifiant le recours à cette procédure pour enjoindre [aux] demandeurs de comparaître devant le tribunal. Il n'existait aucune situation d'urgence exigeant le recours au mandat d'arrestation ni aucune autre circonstance qui aurait pu justifier d'y recourir. »

- Extrait de la requête introductive d'instance

« Les demandeurs ont été soumis à l'humiliation d'une fouille à nu. Il n'existait alors aucun motif précis ni même aucun vague soupçon pouvant justifier cette fouille à nu. Cette fouille était purement arbitraire et a eu lieu en contravention des principes les plus élémentaires s'appliquant à ce type d'atteinte aux droits protégés par la Charte », peut-on lire dans le document de 23 pages.

Arrêt du processus judiciaire

Fait à noter, les arrestations de Me Laforest et de sa femme n'ont pas retenu l'attention des médias à l'époque. Un an après celles-ci, l'accusation contre Mme Marcoux a été retirée, car la poursuite n'était plus moralement convaincue de pouvoir démontrer hors de tout doute raisonnable sa culpabilité. Le même chef a été retiré contre Me Laforest le 5 avril 2017 et contre son client, en juin suivant.

Les demandeurs, qui sont représentés par les avocats du bureau Segal Laforest, reprochent aux policiers d'avoir bâclé leur enquête sur une tentative d'entrave à la justice et aux procureurs du DPCP d'avoir agi de façon malveillante, en écartant d'emblée la présomption d'intégrité de l'avocat et en concluant déjà à sa culpabilité.

« Par l'attitude des défendeurs, l'inculpation et l'arrestation tributaire d'une enquête bâclée, de l'absence de preuve concrète, les demandeurs ont subi stress, choc nerveux, anxiété, angoisse, humiliation, atteinte à leur réputation, à leur dignité, à leur intégrité et à leur honneur. »

- Extrait de la requête introductive d'instance

« Avant les fautes commises, les demandeurs jouissaient d'une très bonne réputation et vivaient une vie paisible, heureuse et harmonieuse qui a été depuis complètement bouleversée.

« Les demandeurs ont été empêchés de poursuivre leur projet de retraite, ayant depuis perdu revenus et toutes formes de motivation qui ont eu pour eux de graves répercussions au niveau de leur estime personnelle », font valoir Me Laforest et sa femme dans leur demande introductive d'instance. 

En leurs noms et en celui de leur fille, ils demandent pour pertes de revenus, dommages moraux, atteinte à leur honneur et réputation, troubles et inconvénients, souffrance émotionnelle et perte de jouissance, une somme de près de 1,1 million.

La requête a été déposée le 10 août dernier, lors du dernier jour de la période de prescription de trois ans établie pour le dépôt d'une poursuite civile.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.