Le tribunal vient d'annuler le congédiement d'un travailleur qui avait plus de 30 années d'ancienneté. Il ordonne aussi à son employeur de le réintégrer dans son emploi et de lui verser 23 000 $.

Le Tribunal administratif du travail donne ainsi gain de cause à Jacques Bourdages, qui travaillait dans une quincaillerie, propriété de J. Albert Cormier & Fils, à Bonaventure, au moment de son congédiement en décembre 2016.

L'employeur avait soutenu qu'il s'agissait d'un licenciement résultant d'une réorganisation de l'entreprise. Mais le tribunal a jugé qu'il s'agissait plutôt d'un « prétexte pour se débarrasser du demandeur ».

J. Albert Cormier exploitait trois succursales à Bonaventure, Maria et New Richmond, toutes dans un rayon de 50 kilomètres en Gaspésie. Une nouvelle succursale, ouverte en 2016, avait entraîné un déplacement de la clientèle, faisant baisser les ventes dans les autres établissements.

L'employeur avait donc décidé de réorganiser son entreprise, en abolissant un poste de commis - celui de M. Bourdages - en remplaçant un commis par un estimateur, tout en affichant huit offres d'emplois.

Aucun des nouveaux postes créés n'avait été offert à M. Bourdages, bien qu'il ait été à l'emploi de l'entreprise depuis plus de 30 ans. « Or, la preuve démontre qu'il peut occuper au moins deux des huit postes offerts », a souligné la juge administrative Lyne Thériault, dans sa décision.

« Bien évidemment, il ne postule pas pour en obtenir un, puisqu'au moment des affichages, son emploi existe toujours et il n'a pas de raison de croire que le sien est menacé », écrit la juge administrative.

Devant le tribunal, l'employeur avait soutenu que si M. Bourdages avait été tenté par les nouveaux postes, il n'avait qu'à postuler. Il avait aussi présumé que les postes ne l'auraient pas intéressé puisqu'ils étaient plus éloignés de son domicile ou moins bien payés.

« La baisse des ventes est démontrée par l'employeur et la nécessité de restructurer également. Cependant, on ne peut faire abstraction du fait qu'au moment même où il décide d'abolir le poste du demandeur, l'employeur relocalise certains employés dont les postes sont aussi éliminés et il embauche de nouvelles personnes pour des postes, dont certains auraient pu être occupés par le demandeur », écrit la juge Thériault.

«En n'offrant aucun des nouveaux postes au demandeur, en présumant qu'il n'accepterait pas une modification de ses conditions de travail, en ne vérifiant pas s'il disposait du permis de conduire classe 3 et en lui préférant un commis de neuf mois d'expérience ayant presque le même salaire, l'employeur camoufle un congédiement», conclut la juge Thériault.

Le tribunal ordonne donc à l'employeur de le réintégrer dans son emploi, de lui verser 22 338 $ à titre de salaire et 758 $ en intérêts.

Autre travailleur indemnisé

À la même époque, un autre travailleur de la même entreprise avait aussi perdu son poste. Michel Leblanc avait 15 ans d'ancienneté et travaillait dans la succursale de Maria.

«La façon de faire est la même qu'à Bonaventure. On met fin à l'emploi de M. Leblanc dans les jours qui suivent le recrutement des nouveaux postes, sans qu'il n'ait postulé, et on ne lui offre pas de relocalisation, alors qu'il a les compétences pour occuper quelques-uns de ces postes», écrit la juge administrative.

Dans son cas, le tribunal annule le congédiement, mais n'ordonne pas la réintégration en emploi, puisque M. Leblanc a trouvé un autre emploi et a dit avoir «perdu confiance» en cet employeur.

Le tribunal ordonne à J. Albert Cormier & Fils de lui verser 10 000 $ à titre d'indemnité de fin d'emploi, 5423 $ soit l'équivalent du salaire dont l'a privé son congédiement et 187 $ en intérêts.