Gilbert Rozon persiste et signe à sa première apparition depuis sa disgrâce publique : il nie catégoriquement les allégations d'agressions et de harcèlement sexuels portées contre lui par une dizaine de femmes en octobre dernier. « Je les réfute et j'espère qu'on vit toujours dans une société qui favorise, qui privilégie la présomption d'innocence », s'est-il défendu au palais de justice de Montréal.

Le propriétaire et dirigeant déchu du géant québécois de l'humour a témoigné mercredi en Cour supérieure dans le cadre d'un litige commercial et contractuel entre Québecor et Groupe Juste pour rire au sujet de la vente de ce dernier.

En sortant de la salle de cour en coup de vent en début d'après-midi, Gilbert Rozon a dit quelques mots aux journalistes pour la première fois en quatre mois. « Avez-vous une pensée pour les femmes qui ont dénoncé ? », lui a-t-on demandé. « Je réfute les allégations », a-t-il rétorqué, avant de prendre l'ascenseur.

Mais à sa sortie du palais de justice, Gilbert Rozon s'est fait plus explicite, et a fermement nié avoir déjà eu une relation sexuelle non consentante avec une femme. 

« Je les réfute [les allégations]. Je suis désolé si quelqu'un a pu se sentir offensé par des propos déplacés. Je n'ai jamais fait l'amour à quelqu'un si une personne me dit non. Jamais. Alors ces histoires-là... on verra c'est quoi les motivations, mais en fait, moi... je suis fatigué, madame », a-t-il affirmé à TVA Nouvelles, avant de monter dans son véhicule.

« JUGÉ À MIDI ET EXÉCUTÉ EN SOIRÉE »

Vêtu d'un veston mauve et d'une cravate colorée, Gilbert Rozon s'est amené à la barre en fin de matinée pour défendre la position de son entreprise. Le coeur du litige porte sur le « droit de première offre » de Québecor en cas de vente, une clause inscrite dans un contrat conclu en octobre 2012. Ainsi, Québecor demande à la juge Marie-Anne Paquette de délivrer une injonction pour obliger Groupe Juste pour rire à respecter cette entente. Malgré l'affrontement en cour, les deux entreprises continuent de négocier, a confirmé mardi un dirigeant de Québecor. Selon nos informations, Groupe Juste pour rire poursuit aussi ses discussions avec d'autres acheteurs potentiels.

Le témoignage de l'actionnaire majoritaire et ancien grand patron de Groupe Juste pour rire a principalement porté sur des questions techniques entourant le litige commercial et contractuel entre les deux entreprises. Il a néanmoins déploré à quelques reprises le sort qu'il a subi lorsqu'une dizaine de femmes l'ont accusé publiquement d'agressions et de harcèlement sexuels. « Il y a des allégations le matin, on est jugé à midi et exécuté en soirée », a dit à la cour Gilbert Rozon, selon Le Journal de Montréal.

Un collectif de présumées victimes nommé « Les Courageuses » a déposé l'automne dernier une demande d'action collective contre Gilbert Rozon. Selon le collectif, l'ancien magnat de l'humour aurait fait 20 victimes de 1982 à 2016. On réclame ainsi une « compensation juste » ainsi que des dommages punitifs « réellement exemplaires » contre Gilbert Rozon. Ce dernier entend contester cette requête.

DE « MAUVAISE FOI », ARGUE QUÉBECOR

Au cours d'une période de 25 jours de négociations exclusives, Groupe Juste pour rire a fait sa « première offre » à Québecor le 10 décembre dernier. En vertu de cette clause, si Québecor refuse l'offre, Groupe Juste pour rire peut être vendu à un tiers, mais seulement à des conditions moins favorables. Or, Québecor soutient que l'offre a été faite de « mauvaise foi ». Les sommes sont frappées d'une ordonnance de non-publication.

« Ce document [le contrat de 2012] est atypique. J'ai rarement vu un document aussi mal écrit, et aussi mal rédigé, qui repose sur à peu près rien », dit l'ex-ministre conservateur Michael Fortier et vice-président du C.A. de la banque RBC Marchés des Capitaux.

Groupe Juste pour rire a retenu les services de cette banque pour trouver un acheteur l'automne dernier.

En contre-interrogatoire, Michael Fortier a donné un exemple d'« associations » avec des partenaires qui ont été discutées avec la « cohorte d'acheteurs de la deuxième ronde » pour « décourager » Québecor d'exercer son droit de premier refus.

« Si la diffusion de Juste pour rire était assurée par V, par exemple, qu'est-ce que Québecor ferait face à ce droit de premier refus ? Est-ce que Québecor serait aussi intéressée à exercer ce droit, si l'entente était convenue avec ces acheteurs ? Il y a eu des discussions avec des collègues sur ces sujets. Ça ne me surprend pas, parce que les acheteurs se demandent toujours : si je me rends au fil d'arrivée et que quelqu'un me coiffe un actif, est-ce que ça vaut la peine de continuer ? », a expliqué le haut dirigeant de RBC.

Les parties amorceront leurs plaidoiries aujourd'hui.