Hassan Diab, ce Canadien d'origine libanaise qui a croupi trois ans dans une prison française, n'a pas l'intention de poursuivre le gouvernement canadien pour le sort qu'il a subi.

Vendredi, la justice française a ordonné sa libération immédiate, concluant qu'il n'y avait pas d'éléments de preuves assez solides pour lui tenir un procès. Le gouvernement canadien avait accepté la demande d'extradition alors qu'on le soupçonnait, en France, d'avoir participé à un attentat terroriste contre une synagogue parisienne en 1980.

L'ancien professeur de sociologie, son avocat et le comité qui a pris sa défense pendant toutes ces années, réclament une révision de la Loi canadienne sur l'extradition. Ils veulent également une enquête publique qui examinerait tous les détails de sa mésaventure.

«Je ne veux pas un sou des contribuables canadiens», a dit l'homme qui s'était battu pendant six ans, au Canada, contre l'ordre d'extradition, avant d'être envoyé, de force, en France. Donc, pas question de poursuite devant les tribunaux.

«Ce n'est pas une vendetta», a-t-il répondu aux journalistes conviés mercredi matin aux locaux d'Amnistie internationale, à Ottawa.

Lorsque son dossier sera fermé en France, l'État français remboursera ses frais juridiques. Il s'attend aussi à recevoir environ 70 euros par jour d'incarcération. Il dit vouloir utiliser cet argent d'abord pour rembourser tous ceux qui, pendant neuf ans, ont fait des dons pour sa cause.

«S'il reste de l'argent, ça ira au comité d'appui qui décidera comment l'utiliser pour aider d'autres victimes», a-t-il offert. «Ça pourrait être ma contribution (...) Mais je ne veux même pas acheter un café avec cet argent», a-t-il lâché.

M. Diab, qui est rentré à Ottawa où l'attendaient sa conjointe et deux jeunes enfants, n'est pas assuré d'être au bout de ses peines. La poursuite, en France, tente un appel qui pourrait ou non se matérialiser. Même ses avocats français affirment qu'ils sont en terrain inconnu.

«Ils n'ont connaissance d'aucune autre cause similaire à celle de Hassan où un détenu pour terrorisme a été sous enquête (...) et l'affaire présente tant de lacunes qu'il n'y a pas de procès», a expliqué son avocat canadien Donald Bayne. «Alors un appel (dans pareil cas), c'est du jamais vu», a-t-il ajouté.

L'avocat critique sans retenue la Loi sur l'extradition qu'il veut voir révisée.

«Nous l'avons livré entre les mains d'une enquête étrangère, pas d'un procès étranger», a souligné Me Bayne, rappelant que certains pays n'extradent pas leurs citoyens. «Il y a un équilibre à atteindre et je l'admets. Mais le Canada penche trop d'un côté, celui de livrer ses citoyens aux états qui réclament l'extradition (...) C'est ça le problème avec notre système d'extradition.»

Pour ce qui est d'expliquer pourquoi les autorités françaises s'acharnent sur un homme qui, depuis 10 ans, nie tout lien avec l'attentat de 1980, assurant même qu'il n'était pas en France à cette période-là, Me Bayne avance une théorie.

«La France a été déchirée par des meurtres terroristes horribles. C'est donc un État qui n'est pas prêt de traiter ce dossier en douceur. Le gouvernement (français) doit être ferme et doit être perçu par le public français comme étant ferme», a-t-il analysé.

Le principal intéressé réserve ses commentaires.

«J'ai passé trois ans dans la pénombre. Je ne voyais rien. Trois ans», a rappelé l'homme qui était confiné en cellule solitaire entre 20 et 22 heures par jour. «Maintenant, j'essaie de comprendre ce qui se passait.»