Théo* n’a jamais voulu tuer son meilleur ami de 15 ans. Ce soir-là, l’ado de 16 ans est tombé dans un « guet-apens » tendu par deux frères revanchards qui voulaient lui « casser la gueule » et filmer la scène sur les réseaux sociaux. Roué de coups par quatre personnes, Théo s’est seulement défendu par peur d’y laisser sa peau.

C’est la thèse défendue jeudi par MGuy Poupart au procès de Théo, maintenant âgé de 18 ans, qui subit depuis septembre son procès en Chambre de la jeunesse pour le meurtre prémédité de Max*. Ce garçon de 15 ans est mort poignardé dans un parc du quartier Fabreville, à Laval, le 1er janvier 2020. L’identité des jeunes impliqués est protégée par la loi.

Selon la Couronne, Théo s’est rendu au parc Marc-Aurèle Fortin, armé d’un couteau, avec la ferme intention de tuer son meilleur ami, Max, avec qui il s’était brouillé deux semaines plus tôt à la suite d’une banale chicane sur les réseaux sociaux. Il aurait ainsi menacé la victime en ligne et dans des messages textes.

Au contraire, estime la défense, c’est plutôt la victime, Max, et son frère Peter, qui sont dans le tort dans cette histoire. Les deux adolescents et leurs amis auraient ainsi orchestré un plan pour attirer Théo au parc dans le but de l’attaquer. « Les frères convergent vers le parc pour péter la gueule à Théo. […] Ils cachent le mobile de leur présence », a plaidé MPoupart.

Alors que Théo se présente seul au parc, les deux frères sont accompagnés de trois amis, dont Nick, un jeune à la réputation de « bagarreur », qui sait très bien « ce qui va se passer », soutient la défense. Ce « garde du corps » a d’ailleurs déjà assisté les frères dans d’autres bagarres, souligne MPoupart. Le plan initial était même de « tous sauter » sur Théo, a déjà admis Nick.

Au procès, Théo a raconté s’être rendu au parc dans l’espoir de renouer avec ses deux meilleurs amis. Il leur a ainsi « tendu la main » à son arrivée. Or, les deux frères l’ont attaqué. Ses assaillants lui ont donné de nombreux coups de poing et coups de pied, a-t-il dit. Chaque fois qu’il tombait, les frères riaient et l’insultaient.

« J’avais peur de laisser ma peau, je voulais rentrer chez moi », a-t-il confié. C’est alors qu’il a sorti un couteau pour faire reculer les frères afin de s’enfuir. « Je ne voulais pas lâcher le couteau, je faisais juste me défendre », a-t-il témoigné, selon son avocat. Mais Théo a senti des personnes derrière lui qui le frappaient et lui prenaient le bras.

Au procès, aucun témoin de la poursuite n’a affirmé avoir vu le coup mortel. De plus, les témoins ont tous raconté des versions « en très grandes parties contradictoires » et qui se « confrontent les unes les autres », selon MPoupart. Le frère de la victime a aussi admis avoir menti aux policiers, a relevé la défense.

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L’avocat de la défense, MGuy Poupart

Mais le récit de l’accusé a été en grande partie confirmé par Nick, le bagarreur, dans son interrogatoire policier le lendemain du drame, a insisté MPoupart. Ce témoin-clé a raconté aux policiers que les deux frères avaient donné de 10 à 15 coups à Théo. Il a aussi déclaré s’être joint à la mêlée pour frapper Théo avec un quatrième comparse.

De plus, la preuve d’ADN démontre que l’un des frères a tenu dans sa main l’un des deux couteaux retrouvés au parc, affirme la défense. « Ce couteau-là ne se trouve pas dans un banc de neige par hasard. L’ADN n’apparaît pas comme par magie », a plaidé MPoupart. D’ailleurs, il est « déraisonnable » de croire que Théo ait « garroché » les deux couteaux avant de prendre la fuite, selon le criminaliste. Les policiers ont retrouvé un couteau sur lui.

« [Théo] doit se défendre, il doit réagir, parce qu’il se sent en danger », résume MPoupart, qui soutient que la Couronne ne s’est pas déchargée de son fardeau. Sur certains éléments portant sur l’accusation de meurtre, la preuve est même « littéralement absente », a renchéri l’avocat. Il y a ainsi « largement place pour un doute plus que raisonnable ».

De plus, les critères de la défense de légitime défense sont « largement rencontrés ». Et si cette défense était rejetée, MPoupart avancerait la « défense d’accident ».

MPoupart poursuit sa plaidoirie ce vendredi. Ce sera au tour des procureures de la Couronne de plaider devant la juge Catherine Perreault.