Un «carré rouge» sommé de se «fermer la gueule», un Bon samaritain arrêté brutalement et traité de «fucking Indian» : une intervention de routine survenue en plein printemps Érable a dégénéré en raison de l'attitude «agressive» et «violente» de l'ex-policière Stéfanie Trudeau, alias Matricule 728. C'est la version qu'ont livrée jeudi trois témoins de la scène devant le Comité de déontologie policière.

L'ex-policière controversée du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est visée par une plainte déontologique pour propos racistes, détention illégale et utilisation d'une force excessive. Jeudi matin, le plaignant, Julian Menezes, a réitéré en contre-interrogatoire que Stéfanie Trudeau lui avait lancé une insulte raciste en le questionnant sur son origine ethnique. Mercredi, il avait raconté à la Cour s'être fait traiter de «petite chienne» et s'être fait brutaliser dans le véhicule de police. « Je n'avais pas ma ceinture, et ils ont freiné brusquement pour que mon visage tape sur le plexiglas», a-t-il résumé à La Presse jeudi.

Julian Menezes, sa conjointe Judith Sribnai et leur amie Lisa Blake revenaient d'un mariage cette nuit du 20 mai 2012. En sortant du taxi, ils ont vu un cycliste «particulièrement secoué» sur la rue de la Roche, a raconté Judith Sribnai. Son conjoint voulait rester comme «témoin», mais l'agente Trudeau lui a rétorqué que ce n'était pas de «ses affaires» et l'a accusé d'être «soûl», puis l'a soudainement arrêté, a témoigné Lisa Blake, si émue qu'elle a dû s'asseoir pour poursuivre son récit. «Ils ont pris Julian et l'ont poussé au sol et l'ont menotté. Julian a été poussé sur la voiture et son pied est resté coincé. Il a crié de douleur. Ils sont partis en trombe», a raconté la jeune femme.

Quelques instants plus tôt, le cycliste en question, Christian Morissette, avait reçu un constat d'infraction pour une lumière manquante sur son vélo, après avoir indiqué à Stéfanie Trudeau et à son coéquipier, Constantinos Samaras, qu'une voiture venait de brûler un feu de circulation. «Quand on est un carré rouge, on ferme sa gueule et on retourne chez [soi]!», lui a-t-elle lancé l'agente Trudeau, en apercevant un carré rouge sur son sac, a témoigné Christian Morissette jeudi matin.

«Je sens que les policiers cherchaient le trouble. Ils avaient vraiment une attitude agressive. À la suite de ces paroles disgracieuses, les deux policiers sont sortis [de leur voiture] et ils ont tiré sur mon vélo. Les pédales me rentraient dans les mollets. J'ai dit : assez! assez! Ça faisait très mal! », a-t-il raconté.

Traîné de force sur plusieurs mètres, le cycliste a ensuite été engueulé par la policière. «Elle me parlait à quelques millimètres du visage. Elle m'a dit que j'avais une face de baveux. Elle avait une grosse agressivité. J'ai senti qu'elle voulait que je rouspète pour justifier une arrestation plus brutale», a-t-il dit. Témoignant qu'il avait eu «peur de l'agente» pendant l'intervention, Stéfanie Trudeau affichait un visage rieur et rempli d'ironie dans la salle d'audience. L'ex-policière a d'ailleurs manifesté sa désapprobation à plusieurs reprises en grimaçant et en soupirant pendant les témoignages.

Les audiences se poursuivent vendredi matin. La cause de l'agent Samaras sera entendue ultérieurement.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Julian Menezes.