Le ménage entamé dans la foulée des scandales de corruption se poursuit chez SNC-Lavalin. Après avoir mené une vérification financière dans trois pays, la firme vient de larguer un mystérieux consultant panaméen qui avait été embauché pour «favoriser l'obtention de contrats gouvernementaux» en République démocratique du Congo.

«SNC-Lavalin confirme avoir suspendu, pour le moment, le paiement à la firme Birminland Enterprise dans la foulée d'un différend commercial concernant la vérification des livres de Birminland», a expliqué poliment la porte-parole du géant montréalais, Lilly Nguyen, lorsque jointe par La Presse.

Birminland Enterprise est une mystérieuse firme de consultants qui n'a pratiquement aucune existence sur l'internet et dont l'adresse de correspondance est celle d'un cabinet d'avocats commerciaux à Panamá. Ses trois administrateurs enregistrés au registre des entreprises du Panama sont des commis de bureau ou des secrétaires du même cabinet d'avocats, Morgan&Morgan, qui se disent administrateurs de plusieurs centaines d'autres sociétés basées dans le petit paradis fiscal. Le ou les vrais propriétaires demeurent cachés.

Joint par La Presse à son bureau de Panamá, l'avocat Juan David Morgan Junior n'a pas voulu dévoiler qui se cache derrière Birminland. «Je ne peux pas, désolé», a-t-il dit.

Dans des documents judiciaires déposés au palais de justice de Montréal, Birminland dit agir comme «représentante et consultante pour diverses sociétés faisant affaire au niveau international». Elle explique avoir été embauchée par SNC-Lavalin en août 2011 pour l'aider à décrocher un contrat de surveillance des travaux de réfection des trois aéroports de la République démocratique du Congo.

En échange de son lobbyisme auprès du gouvernement congolais, elle devait obtenir 5% de la valeur du contrat de 5,4 millions, dit-elle.

Soupçons éveillés en 2012

Mais tout a changé en février 2012. Ce mois-là, SNC-Lavalin a annoncé le départ de son vice-président Riadh Ben Aïssa (aujourd'hui accusé de corruption au Québec et en Suisse) et la découverte de paiements irréguliers se chiffrant à 56 millions. Presque simultanément, la firme a lancé plusieurs vérifications sur des projets internationaux. Elle a demandé un «security check» sur son consultant Birminland, selon les documents déposés au palais de justice.

Cette première vérification n'a rien révélé d'anormal. Birminland affirme toutefois qu'en août 2013, SNC-Lavalin lui a annoncé qu'une nouvelle vérification interne était en cours. Un représentant de la société s'est rendu au Congo pour vérifier le travail accompli par Birminland. Deux cadres responsables de la conformité des opérations ont aussi passé au peigne fin les opérations bancaires de leur consultant.

Birminland affirme que le 10 juin dernier, le directeur des projets internationaux de SNC-Lavalin lui a demandé de cesser toutes ses activités pour le compte de l'entreprise québécoise, «sans invoquer un quelconque motif». Le 23 juin, SNC-Lavalin aurait carrément résilié son entente avec le consultant.

Birminland réclame maintenant 150 000$ en honoraires à la firme de génie. Son avocat québécois, Me Laurence Dubé-Proulx, n'était pas en mesure hier de nous dévoiler le nom des individus qui se cachent derrière la boîte de consultants.

Du côté de SNC-Lavalin, sans vouloir dévoiler ce qui a été découvert dans l'inspection des transactions bancaires du consultant, on estime ne rien avoir à lui payer.

«Tous les partenaires d'affaires doivent se conformer dorénavant à nos différentes règles de conformité et la vérification de Birminland fait partie de cet exercice. Nous n'avons pas d'autre commentaire à formuler pour le moment puisque nous allons nous défendre en temps et lieu devant les tribunaux», affirme Lilly Nguyen.