John Carsun Belizaire a été chanceux dans sa malchance.

L'homme s'est fait tirer dessus possiblement par des membres du gang des Rouges uniquement parce qu'il portait un chandail bleu. Il n'a rien à voir avec le milieu criminel.  

S'il n'avait pas eu un mouvement de recul au moment où le tireur pointait son 9 mm dans sa direction, il aurait reçu la balle dans la tête, a-t-il décrit, hier, au procès de ses présumés agresseurs, au palais de justice de Montréal. Grâce à ce réflexe de survie, il a plutôt été atteint au bras.

Connus de la police comme des membres des Blood Mafia Family, David Mervilus, Raynald Richard et Russel Similome sont notamment accusés d'avoir déchargé une arme à feu sans se soucier de la vie d'autrui et de voies de fait graves. Les événements qui leur sont reprochés se sont déroulés dans la nuit du 4 mars 2011.

La victime, M. Belizaire, avait immobilisé sa voiture à un feu rouge sur le boulevard Pie-IX lorsqu'une autre voiture est passée à sa hauteur. Un Noir a baissé sa vitre, puis a tiré un coup de feu dans sa direction, a-t-il affirmé, hier. La balle a fracassé la vitre du conducteur et a traversé son bras gauche avant de ressortir en brisant la vitre du passager.

La victime a vu trois Noirs à bord du véhicule. Elle a toutefois été incapable de les identifier, hier, au moment de son témoignage.  

Quelques minutes plus tôt, cette nuit-là, une première victime, aussi vêtue de vêtements bleus, s'est fait tabasser dans un bar de Rivière-des-Prairies, à trois kilomètres de là. La poursuite plaide que les trois accusés et une quatrième personne sont les auteurs de ces deux agressions gratuites.

Au grand dam des trois accusés, cet adolescent est venu témoigner, hier. Il a déjà reconnu sa culpabilité à des accusations moins graves de voies de fait, de non-respect de conditions, et de s'être trouvé dans un véhicule dans lequel il y avait une arme à feu prohibée. Il a écopé d'une peine de garde à purger les fins de semaine, assortie d'une probation d'un an.

L'ado, visiblement mal à l'aise à l'idée de témoigner, a confirmé que ses complices et lui avaient participé à une bagarre au bar Trix cette nuit-là. Ils ont pris la fuite dans la voiture de Richard, a-t-il raconté. Alors qu'il aidait Mervilus à soigner une coupure au visage - assis tous deux à l'arrière du véhicule -, l'ado dit avoir entendu un coup de feu. Le quatuor s'est fait arrêter plus tard cette nuit-là.

Le jeune homme affirme ignorer l'identité du tireur. «C'est une journée que j'ai voulu oublier, puis je l'ai oubliée», a-t-il souligné alors qu'il était contre-interrogé par la défense. Il a précisé qu'il n'était pas un «snitch» (délateur).  

Gangsters de père en fils

Selon nos informations, l'un des accusés, David Mervilus, est le fils de Célonie Mervilus, membre du gang de la rue Pelletier condamné pour trafic de drogues en 2007, puis expulsé du Canada. Premier d'un gang de rue à avoir été condamné pour gangstérisme au pays, il faisait le trafic de crack et de cocaïne dans cette rue de Montréal-Nord.

Au procès, la preuve avait révélé que Mervilus demandait à son fils, alors âgé de 13 ans, de cacher de la drogue derrière son lit chez sa mère. Faisant l'objet d'écoute policière à son insu, le père avait ordonné à son fils de ne rien dire à qui que ce soit, plus particulièrement à sa mère. En apprenant cela au cours du procès, ses coaccusés - respectant un certain code d'honneur - s'étaient dissociés du père indigne.