Le soir du 1er octobre 2009, Claude Larouche était en chasse. Il a jeté son dévolu sur Natasha Cournoyer après avoir tenté d'attaquer une joggeuse sur une piste cyclable, à quelques mètres du lieu où la fonctionnaire fédérale a été enlevée.Natasha Cournoyer était son «plan B».

C'est ce qui se dégage de la plaidoirie que la procureure de la Couronne Éliane Perreault a faite, lundi, devant le jury chargé de juger Claude Larouche, accusé du meurtre prémédité de la femme de 37 ans.

La poursuite a rappelé au jury le témoignage de Sylvain Garon. Il a déclaré que, le 1er octobre, vers 19 h, alors qu'il promenait un chien sur la piste cyclable, dans le bois qui jouxte le stationnement de la Place Laval, il a croisé une joggeuse et a vu un homme surgir du bois tout près d'elle. Il a eu « l'impression de le déranger ». L'homme, coiffé d'un capuchon, est rentré dans le bois immédiatement.

Claude Larouche est arrivé dans le stationnement de Place Laval à 18h35. À 20h09, Natasha Cournoyer a traversé le stationnement. Sur les images captées par une caméra de surveillance, sa silhouette disparaît ensuite dans une zone d'ombre.

L'accusé a surpris la jeune femme alors qu'elle déverrouillait sa portière. Il l'a enfermée dans sa fourgonnette, assommée et ligotée, a décrit la Couronne. Il l'a violée et l'a forcée à lui faire une fellation. A-t-elle crié? A-t-elle pleuré? Lui a-t-elle dit que ses proches s'inquiéteraient et appelleraient la police? «La version de Natasha Cournoyer ne sera jamais entendue», a insisté la poursuite.

La poursuite est convaincue que Larouche s'est débarrassé du corps de la victime cette nuit-là, près d'une descente de bateau à Pointe-aux-Trembles, et non pas le lendemain, au grand jour, comme il le prétend.

Le corps a été découvert tout à fait par hasard par une employée col bleu de la Ville de Montréal le 6 octobre. Larouche a été arrêté un mois plus tard, trahi par son ADN. Son sperme a été trouvé à plusieurs endroits du corps de la victime, notamment dans sa bouche.

Plus tôt, lundi, l'avocat de l'accusé, Me Richard Rougeau, qui a plaidé en premier, a demandé au jury de déclarer son client coupable d'homicide involontaire puisqu'il n'avait pas l'intention de tuer la victime. «Vous ne pouvez qu'être horrifiés par ce qui est arrivé à Natasha Cournoyer», a-t-il affirmé d'entrée de jeu.

Larouche était fortement intoxiqué ce soir-là. Il a consommé 18 quarts de gramme de cocaïne et 10 roches de crack, selon sa version des faits.

Si Claude Larouche avait été «intelligent» et «machiavélique», il se serait débarrassé du corps de sa victime en l'enterrant ou en le jetant dans le fleuve, a plaidé Me Rougeau. Or, il a plutôt laissé le corps toute la nuit dans sa fourgonnette pour l'abandonner le lendemain dans un terrain vague.

«Ça dépasse l'entendement, a ajouté l'avocat de la défense. Il est arrivé ce soir-là quelque chose qu'il n'avait pas prévu», a-t-il plaidé, qualifiant le crime de «terrible incident».

Claude Larouche s'est rendu dans le stationnement de Place Laval pour rencontrer un vendeur de drogues, selon la défense. Il s'agit d'un «affreux hasard» s'il s'est garé à côté de la voiture de Natasha Cournoyer.

Selon la version de Claude Larouche, la victime l'a surpris alors qu'il consommait de la drogue dans sa fourgonnette. Il a eu le «réflexe» de se bagarrer avec elle, puis de l'enfermer dans sa voiture.

Après avoir passé près d'une heure avec elle dans le stationnement, il l'a emmenée au motel Lido, où une autre bagarre a éclaté. C'est au terme de cette seconde bagarre qu'il l'a étranglée sans le vouloir, toujours selon sa version des faits.

Sans surprise, les deux parties ont une interprétation bien différente du témoignage de Claude Larouche.

Lorsque l'accusé dit que la victime lui a offert une fellation au motel Lido, il faut comprendre qu'il s'agit d'une femme «intelligente», une «femme d'action» qui tente «d'acheter sa libération», a plaidé Me Rougeau. Jamais Claude Larouche n'a parlé de relation consensuelle, selon son avocat.

«Ce n'est pas ce que Larouche a dit», a répliqué la poursuite. «Il nous a décrit une dame consentante qui veut aller au motel, prête à se dévêtir devant lui après avoir reçu des compliments», a indiqué Me Éliane Perreault, non sans une pointe d'ironie.

L'accusé a décrit sa victime comme une prostituée, alors que c'était une femme sans histoire. Censée aller acheter la pierre tombale de son père le lendemain en compagnie de sa mère, elle a été assassinée, laissant dans le deuil sa mère dont elle était l'enfant unique, a plaidé la procureure de la Couronne.

Le juge Fraser Martin, qui préside le procès, doit donner ses directives au jury ce matin en vue des délibérations, qui pourraient commencer mardi en après-midi.