Quinze travailleurs d'origine chinoise recevront 150 000$ en raison de propos discriminatoires tenus à leur égard par leur employeur, vient de trancher le Tribunal des droits de la personne.

L'affaire remonte au 11 juillet 2006 et s'est passée à l'entreprise Calego International, dans l'arrondissement de Saint-Laurent. Seuls les travailleurs d'origine chinoise auraient été convoqués à une réunion au cours de laquelle le propriétaire de leur entreprise, Stephen Rapps, aurait déclaré: «Ici, on est au Canada, on n'est pas en Chine. On doit prendre une douche, et on se sert du shampoing tous les jours, on se lave les mains avec du savon, on actionne la chasse d'eau. N'urinez pas sur le plancher. C'est ma cuisine, pas la vôtre. Ma cuisine, je veux qu'elle soit propre. Vous, les Chinois, vous mangez comme des cochons.»

Or, selon les employés, la cuisine de l'entreprise était trop petite pour le nombre de personnes et n'était pas entretenue. Les toilettes étaient aussi insalubres mais l'affiche enjoignant les usagers de garder les lieux propres n'était rédigée qu'en chinois, alors que l'entreprise comptait des employés de plusieurs autres origines.

Le lendemain, certains d'entre eux sont retournés au stationnement de l'entreprise pour exiger des excuses de l'employeur, l'entretien régulier de la cuisine et des toilettes, de meilleures conditions de travail et des mesures compensatoires pour les propos insultants et discriminatoires. Finalement, les 15 travailleurs ont démissionné.

Ces travailleurs avaient été embauchés comme employés temporaires par l'Agence Vincent et son propriétaire, Vincent Agostino, lui aussi touché par le jugement, parce qu'il est jugé partiellement responsable de leur supervision au travail.

Pour le Tribunal des droits de la personne, la preuve présentée «est suffisante pour établir que l'approche appliquée par la société Calego laisse transparaître un manque flagrant de respect et de sensibilité envers des travailleurs chinois, au point de créer un environnement de travail malsain empreint de préjugés et de stéréotypes [...]».

Le tribunal a refusé la thèse voulant que l'expression «manger comme des cochons» était neutre. Au contraire, il a conclu que «les termes utilisés, la référence au standard canadien qui contient implicitement la comparaison à d'autres standards, les propos infantilisants sur l'hygiène corporelle adressés aux travailleurs chinois sur un ton arrogant et condescendant peu empreint de respect, sont des propos blessants, humiliants et dégradants reliés à l'origine nationale de ces travailleurs chinois».

L'avocat Julius Grey, qui représentait Stephen Rapps et Vincent Agostino, entend porter la cause en appel. «Il s'agit d'une conversation banale, pas d'une cause de droits et libertés.»

Julius Grey rappelle que les tribunaux ont déjà établi que la liberté d'expression permettait même d'être blessant envers quelqu'un.