Le grand patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, n'est jamais intervenu pour qu'on le mette à la une de magazines concurrents tels La Semaine et L'actualité, pendant le procès civil qui l'oppose au vice-président de Radio-Canada.

Cette vérité de La Palice, les éditeurs de La Semaine, Claude J. Charron, et de L'actualité, Carole Beaulieu, sont venus la confirmer au juge Claude Larouche, hier, à la demande des avocats de M. Péladeau. Le magistrat qui entend le procès opposant PKP à Sylvain Lafrance s'était indigné, lundi, que des articles sur M. Péladeau aient paru dans ces magazines pendant le procès. Il pensait à une possible intervention de M. Péladeau destinée à redorer son blason.

Ces commentaires du juge, ajoutés à d'autres qu'il a faits au cours du procès au sujet de M. Péladeau, ont vivement inquiété les avocats de ce dernier, Me James Woods et Richard Vachon. Ils ont présenté une requête pour rouvrir leur preuve, afin de démontrer que M. Péladeau n'avait rien à voir avec le choix rédactionnel de ses concurrents. Avec les témoignages d'hier, le juge a eu un cours 101 sur le fonctionnement des médias et des magazines.

À la une de La Semaine de cette semaine, sous le titre «L'amour dans l'adversité», on peut voir une grande photo du couple formé de PKP et Julie Snyder. Cette photo est rattachée à un article qui traite principalement des témoignages que le couple a livrés dans le cadre du procès civil entendu par le juge Larouche. Claude J. Charron, fondateur et éditeur de La Semaine, féroce concurrent de magazines appartenant à Quebecor, a expliqué que ce choix de une s'était imposé, parce que c'était l'événement de la semaine. «C'est l'histoire de ma vie... je me demande toujours quelle est la nouvelle la plus intéressante. Vous avez une animatrice qui fait 2 millions de cotes d'écoute, avec un personnage comme Pierre Karl Péladeau», a expliqué M. Charron, qui a qualifié La Semaine de «Paris-Match québécois».

«C'est pas le même format», a rétorqué le juge avec un brin d'ironie.

«Ils vont peut-être y venir un jour», a répondu M. Charron, du tac au tac. Ce dernier a fondé d'autres magazines dans le passé, comme Le Lundi et 7 Jours, qui ont été rachetés par... Quebecor. En ce qui concerne la photo du couple tout souriant à la une, elle a été prise en mars 2008 dans un événement lié au festival Juste pour rire. Elle n'avait jamais été utilisée, c'était l'occasion de le faire, a résumé M. Charron. Il n'avait pas de permission à demander, puisque le couple avait manifestement consenti en 2008 à se faire photographier.

Autre ironie de l'affaire, c'est David Santerre, journaliste en lock-out du Journal de Montréal, qui a été pressenti par La Semaine pour écrire un texte sur le procès. M. Santerre, qui couvrait déjà le procès pour Rue Frontenac, a accepté. Enfin, M. Charron a conclu en signalant que, selon lui, un juge ne se laisse pas influencer par des choses extérieures au procès.

Longtemps d'avance

En ce qui concerne la une de L'actualité du numéro du 15 novembre, on peut y voir un grand portrait de M. Péladeau, l'air sérieux et déterminé, sous le titre «L'homme le plus redoutable au Québec?» L'éditrice Carole Beaulieu a indiqué que le sujet était venu sur la table en juin dernier, parce que M. Péladeau parlait de lancer sa chaîne Sun TV News. À force de discussions, le journaliste Jonathan Trudel a choisi de traiter son sujet sous l'angle du 10e anniversaire de l'achat de Vidéotron par Quebecor. Le journaliste a essuyé trois refus, avant d'obtenir une entrevue avec M. Péladeau, qu'il a réalisée le 30 juillet dernier. Mme Beaulieu a expliqué que les sujets d'articles sont choisis longtemps à l'avance.

Le juge Larouche a paru rassuré. Les plaidoiries se tiendront aujourd'hui. Rappelons que M. Péladeau réclame 700 000$ au vice-président des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, pour des déclarations que ce dernier a faites en 2007. M. Lafrance avait dit: «Ce gars-là se promène comme un voyou...» après que M. Péladeau eut annoncé qu'il suspendait les paiements de Vidéotron au Fonds canadien de télévision.