Soupçonné d'être l'auteur de l'attentat de la rue Copernic commis il y a 30 ans à Paris, le Canado-Libanais Hassan Diab assiste aujourd'hui à la première journée d'audience de la demande d'extradition de la France. En France, l'attention que suscite ce dossier, dans lequel le président Nicolas Sarkozy s'est engagé, n'a pas faibli. Autour de ce professeur d'université, les soutiens sont pourtant toujours là. Portrait.

Daniel Lee, professeur de sociologie américain, n'a pas oublié ses récentes visites à l'un de ses camarades d'université, Hassan Diab. Au souvenir de ses explorations touristiques d'Ottawa se superposent des scènes qui semblent tout droit sorties d'un roman policier.

«Un soir, nous marchions dans un parc près de chez lui. Une équipe de policiers a foncé droit sur nous pour nous interroger. Leurs assertions m'ont alarmé, mais Hassan semblait s'attendre à tout.»

En effet, Hassan Diab, professeur de sociologie à l'Université d'Ottawa et à l'Université de Carleton, est arrêté par la GRC le 13 novembre 2008. «Jusqu'à un certain point, on essayait de rire du fait qu'il se trouvait dans un roman de Kafka, mais cette condition absurde et terrifiante est devenue abruptement réalité», dit Daniel Lee.

Accusé d'être le fabricant et le poseur de la bombe qui, le 3 octobre 1980, a tué quatre personnes et blessé une quarantaine d'autres rue Copernic, près de la synagogue de l'Union libérale israélite de Paris, Hassan Diab fait depuis son arrestation l'objet d'une procédure d'extradition vers la France.

Un indéfectible soutien

Deux années de processus légal n'ont pas entamé le soutien d'une communauté d'universitaires canadiens et américains, que Hassan Diab a rencontrés au cours des 20 dernières années. Tous brossent le portrait sans équivoque d'un homme chaleureux, ouvert, pas idéologue pour deux sous. Loin, très loin du militant du Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS) que présente la France.

John A. Agnew, aujourd'hui professeur au département de géographie de l'Université de la Californie à Los Angeles, se souvient d'Hassan Diab comme d'un de ses étudiants les moins intéressés par le conflit israélo-palestinien. Il ne doute pas de l'innocence de son ancien étudiant. «Croyez-moi, si j'avais eu le moindre doute quant à sa culpabilité, je ne lui aurais jamais offert mon soutien», clame-t-il.

D'une famille modeste

Aujourd'hui âgé de 56 ans, Hassan Diab est originaire d'une famille chiite modeste du Liban du Sud. Il a étudié la sociologie au Liban et aux États-Unis et a vécu au Liban, au Koweït, aux Émirats arabes unis, au Royaume-Uni et au Canada, où, depuis 13 ans, il mène une vie paisible. En 2006, il s'établit à Ottawa.

En 2007, un journaliste du Figaro se présente après un de ses cours à l'Université d'Ottawa et lui fait part des soupçons qui pèsent sur lui: le juge antiterroriste Marc Trevidic croit qu'il est le poseur de bombe connu sous une fausse identité. Le professeur, qui a un casier judiciaire vierge, se dit victime d'une homonymie. Après son arrestation, il passe plusieurs mois en détention avant d'être mis en liberté sous de strictes conditions.

La «piste canadienne», comme l'ont baptisée les médias français, a redonné espoir aux victimes d'un attentat dont les coupables n'ont jamais été jugés. «Un attentat, c'est un traumatisme, souligne Pierre Lévy, administrateur et représentant de l'Union libérale israélite de France. Il y a eu quatre morts et d'innombrables blessés dans ma synagogue. On réclame justice, tout simplement.»

La récente commémoration de l'attentat, à laquelle ont assisté plusieurs ministres de Nicolas Sarkozy et l'ancien ministre de la Justice canadienne Iwin Cotler, a été l'occasion d'exhorter une fois de plus le Canada à extrader M. Diab.

Sous haute surveillance

Soumis à un couvre-feu et à la surveillance électronique, Hassan Diab ne peut s'éloigner de l'appartement où il vit avec sa conjointe, Rania Tfaily, jeune professeure de l'Université de Carleton. Il ne travaille plus, occupe ses journées à cuisiner. Ni lui ni sa conjointe n'accordent d'entrevue.

«Évidemment, ça a ruiné sa vie, dit Peter Gose, président de la chaire de sociologie de l'Université Carleton qui s'est porté garant, pour 100 000$, d'Hassan Diab. Même s'il finit par gagner, qui pourra lui rendre ces années passées à se défendre? C'est incroyable que ce genre de chose arrive à des gens qui n'ont pas de casier et ne sont même pas militants.»

Hassan Diab a postulé, au cours des deux dernières années, à l'Université Carleton pour récupérer ses charges de cours. En vain. «Qu'est-ce que je peux dire? Hassan et Rania ne sont pas riches. C'est difficile financièrement», dit Donald J. Pratt, ami d'Hassan Diab et membre de son comité de soutien (Justice for Hassan Diab).

Si ses proches ne doutent pas de l'innocence d'Hassan Diab, ils sont conscients, aussi, de l'importance de l'affaire pour la France. «Évidemment, cela fait 30 ans et ils veulent que le dossier soit clos. Je comprends la communauté juive et je la soutiens, dit Arie Chark, rabbin garant de M. Diab. Mais le cas a été très politisé. Ça, c'est un grand problème.»