George Galloway, député britannique invité au Canada pour prononcer une allocution sur la Palestine et sur la guerre en Irak et en Afghanistan, n'était manifestement pas un terroriste. Cependant, s'il voulait que les tribunaux se prononcent sur l'interdiction qu'on lui avait faite d'entrer sur le territoire canadien, il aurait fallu qu'il la brave et qu'il se présente physiquement à la frontière. Quant à ses auditeurs, leurs droits n'ont pas été brimés puisqu'ils ont eu tout le loisir de l'écouter, par vidéoconférence ou autrement.

C'est ce qui ressort d'un jugement de la Cour fédérale dévoilé hier. À l'époque, l'affaire avait fait grand bruit.

M. Galloway devait venir au Canada en mars et avril 2009. Avant son arrivée, le Haut-Commissariat du Canada à Londres l'avait prévenu qu'il serait manifestement refoulé à la frontière parce qu'on le soupçonnait d'avoir des liens avec le Hamas, une organisation palestinienne.

Effet dissuasif

La Cour fédérale le dit tout de go: la missive du Haut-Commissariat a eu «l'effet voulu» en dissuadant le député de venir au Canada.

Seulement, dit le jugement, cet avis du Haut-Commissariat n'avait pas de valeur juridique. Et comme M. Galloway n'a pas testé le système et n'a pas physiquement été refoulé à la frontière, la Cour ne peut déterminer si l'interdiction d'entrée était effectivement partiale et motivée par des considérations politiques.

Quant à ceux qui souhaitaient entendre la conférence de M. Galloway, leur liberté d'expression et d'association n'a pas été violée. «Seule la présence physique de M. Galloway a été refusée aux autres demandeurs (la coalition Stop the War, par exemple) et non son image ou sa voix, qui ont été transmises par vidéo ou par téléphone.»

Le bon côté de l'interdiction

Le tribunal ajoute que l'interdiction a eu du bon puisque ces mesures «ont davantage attiré l'attention sur ce que M. Galloway avait à dire».

Pourtant, dit encore la Cour, «il est clair que les efforts déployés pour garder M. Galloway à l'extérieur du pays étaient davantage attribuables à ses opinions politiques qu'à une réelle préoccupation selon laquelle M. Galloway s'était livré au terrorisme ou était membre d'une organisation terroriste. On semble n'avoir aucunement tenu compte des intérêts des Canadiens qui souhaitaient entendre M. Galloway (pas plus que), des libertés d'expression et d'association garanties par la Charte canadienne des droits et libertés.»

Selon la Cour fédérale, il ressort clairement que l'Agence des services frontaliers a évalué la dangerosité de M. Galloway «hâtivement sur les instructions du bureau du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et des fonctionnaires de ce ministère qui tenaient pour acquis, sur le fondement de preuve ténue, que M. Galloway était interdit de territoire».