Questionné sans relâche sur les recherches qu'il avait faites dans le système de renseignements policiers, l'enquêteur aux homicides Mario Lambert a répété qu'il n'avait rien à se reprocher, qu'il n'avait jamais donné d'information à des criminels et qu'il n'était pas un «pourri.»

«Les pourris, je veux les faire pogner. Si je suis un pourri, ben pogne-moi», a-t-il lancé, manifestement excédé, à l'enquêteur Jean-Yves Lazure, de la division des enquêtes spéciales du SPVM. Cet interrogatoire filmé s'est déroulé le 9 septembre 2009 au quartier général du SPVM, où M.Lambert avait été convoqué en fin d'après-midi. C'est là qu'il a appris qu'il était la cible d'une enquête interne.

La vidéo de cet interrogatoire a été projetée mardi, au procès de M.Lambert. L'homme de 43 ans est accusé d'utilisation frauduleuse de l'ordinateur de la police. En fait, on lui reproche de l'avoir utilisé à trois occasions (le 23 mars, le 6 mai et le 9 juin 2009) à des fins étrangères à son travail. On le soupçonne d'avoir transmis les renseignements obtenus à quelqu'un du milieu criminel.

Dans sa déclaration vidéo, M.Lambert admet qu'il fait affaire avec plusieurs sources du milieu criminel, mais il affirme qu'il ne leur a jamais transmis de renseignements. «Dans le milieu, si t'as pas ça, t'es pas capable d'avancer», dit-il. C'est grâce à ses sources, explique-t-il, qu'il a pu faire stopper des conteneurs de voitures volées dans le port de Montréal avant qu'ils ne partent pour l'étranger. Il a aussi relayé de l'information à la GRC, car ce vol de voitures avait un lien avec le terrorisme.

«Si quelqu'un t'approche avec un numéro de plaque, tu fais quoi?» lui demande alors l'enquêteur Lazure. M.Lambert invoque son droit au silence avant de répondre: «Tu le sais, ce que je ferais... Un gars qui te donne de l'information du crime organisé, c'est des crosseurs, des mangeux de marde. S'il me donne de l'info que c'est un voleur de char, je vais l'enquêter, mais pas pour travailler pour quelqu'un d'autre.»

M. Lambert répète plusieurs fois qu'il n'a rien à se reprocher. À brûle-pourpoint, il ne peut dire à quelles enquêtes sont liés les numéros de plaque minéralogiques qu'on lui reproche d'avoir vérifiés, mais il assure qu'il pourra tout expliquer quand il aura accès à ses notes. Il refuse parfois de répondre aux questions en disant qu'un avocat lui a dit de se taire.

«C'est juste l'orgueil qui me fait mal. Je me fais passer comme un tout croche. Je vais être assigné ailleurs. Je vais passer pour un pourri. J'ai les rapports de sources. Je n'ai aucune inquiétude. Ça m'écoeure juste d'être dans une situation de même», signale M. Lambert.

Pression

Même si l'accusé n'a rien dit d'incriminant dans cette déclaration, l'avocat de la défense, Me Richard Masson, demande qu'elle soit écartée au motif qu'il y a eu de la pression, qu'elle n'a pas été faite de façon libre et volontaire. La procureure de la Couronne, Julie Beauchesne, affirme au contraire que M. Lambert, enquêteur d'expérience, était en parfaite maîtrise durant toute l'entrevue. Il a d'ailleurs souvent indiqué qu'il connaissait parfaitement le travail d'interrogatoire auquel se livrait M.Lazure. «Ce que tu fais, je le fais tous les jours... La plus belle job, c'est faire les entrevues, c'est ça que j'adore. Ta job, c'est d'essayer d'en sortir le plus possible», a-t-il dit notamment à M.Lazure.

Le juge Jean-Pierre Dumais rendra sa décision sur l'admissibilité de cette déclaration mardi prochain. Le procès se poursuit en attendant.