Même si la police de Montréal (SPVM) les tolère depuis quelques années, les agences d'escortes ne sont visiblement plus à l'abri des frappes policières. L'escouade de la moralité a démantelé la semaine dernière l'agence MTLC, l'une des plus importantes de Montréal.

Les deux présumés directeurs de l'agence, Benoît Trempe, âgé de 39 ans, et Patrick Beaupré, 35 ans, administraient un site web très sophistiqué sur lequel les prostituées de sept agences indépendantes affichaient leurs disponibilités en temps réel. Ils ont été accusés de proxénétisme au palais de justice de Montréal la semaine dernière.

«C'était un lucratif réseau de prostitution qui était lié aux Hells Angels», a affirmé Élodie Pestel, porte-parole du SPVM. «L'enquête a démarré à la suite de plusieurs plaintes de résidants», a-t-elle ajouté. Le réseau employait une cinquantaine de prostituées, selon la police.

Benoît Trempe, que La Presse a rencontré jeudi dans un parc de Montréal, a admis avoir joué un rôle majeur dans l'agence et a reconnu être un sympathisant des Hells Angels. «Ça m'arrivait de porter une veste du chapitre South à l'occasion, mais je ne portais pas une veste de full patch», a-t-il expliqué. Il a aussi admis être proche de l'un des membres en règle des Hells Angels qui ont été arrêtés dans le cadre de l'opération SharQc le mois dernier, mais il jure qu'il n'a jamais versé un sou à l'organisation criminelle. «Les Hells, c'est une fraternité, c'est tout. Les policiers sont en train d'en faire tout un cas sans raison», a-t-il soutenu. Il a toutefois reconnu que ses liens avec les Hells «simplifiaient» sa vie. «Ça m'apporte un certain respect dans le milieu», a-t-il affirmé.

Lors de la descente, qui a mobilisé une centaine d'agents dans cinq lieux différents, les policiers ont mis la main sur du matériel informatique estimé à 200 000 $, plusieurs téléphones cellulaires, des appareils photo qui servaient à prendre des photos des prostituées ainsi que 6000 $ en argent comptant.

Étonnamment, l'agence de MM. Trempe et Beaupré était dûment inscrite au registre provincial des entreprises sous le nom de Promotions MSTRIP, une entreprise de «services d'accompagnement de personnalités, d'animation et de prise en charge». Les noms de MM. Trempe et Beaupré, ainsi que leurs adresses, y sont inscrits. L'entreprise acceptait même les cartes de crédit grâce à un terminal au nom de Promotions MSTRIP, affirme M. Trempe.

Une frappe, des dizaines d'agences épargnées

À l'heure actuelle, on estime à 200 le nombre d'agences d'escortes sur le territoire du Grand Montréal. La plupart d'entre elles agissent en toute impunité et vont même jusqu'à publier des petites annonces explicites dans les journaux. La police préfère se concentrer sur la prostitution de rue et ne s'attaque à elles que s'il y a plainte.

Selon ce qu'a appris La Presse, aucune prostituée n'a été arrêtée lors de l'opération, bien que les agents aient interrogé cinq d'entre elles. «Elles ont toutes été relâchées après s'être fait poser des questions», a affirmé au téléphone la réceptionniste de MTLC, qui a requis l'anonymat.

Selon différentes sources, bon nombre d'entre elles se sont déjà trouvé un emploi dans d'autres agences, dont la plus importante, Devilish Escorts. La réceptionniste de MTLC a elle-même créé une nouvelle agence cette semaine. «J'ai très peur que les policiers frappent encore, mais les filles m'ont demandé de leur organiser quelque chose. Elles veulent travailler, a-t-elle dit. Les clients aussi ont très peur. On ne comprend pas pourquoi ils ont visé notre agence.»

Dans le milieu de la prostitution, la nouvelle du démantèlement de MTLC a fait grand bruit. Réunies sous l'égide de l'Union des TDS (travailleuses du sexe), un certain nombre de prostituées dénoncent vivement l'opération. «C'est bien beau d'accuser le crime organisé d'être derrière certaines agences, mais c'est de la pure hypocrisie. Ces agences-là, c'est notre gagne-pain. J'ai été mieux traitée en travaillant dans ces endroits-là que comme graphiste dans le secteur privé», a affirmé une escorte qui travaille sous le nom d'Amélie Jolie.