Les six leaders du plus important gang mafieux de Montréal ont été condamnés à diverses peines de prison hier, pour toute une série de crimes mis au jour par l'opération Colisée. C'est le parrain Nicolo Rizzuto qui s'en tire le mieux, les accusés de rang inférieur s'étant davantage compromis. Pourtant Rizzuto, et son fils Vito, ont bâti à Montréal un empire qui fait l'envie de bien des gangsters.

Après plus de 30 ans de «grand banditisme» à Montréal et ailleurs dans le monde, le parrain Nicolo Rizzuto s'en est tiré avec une peine équivalant à quatre ans de prison «pour avoir perçu de l'argent provenant des activités d'une organisation criminelle». Comme il est en détention préventive depuis deux ans, et que celle-ci compte pour le double, le vieux mafioso de 84 ans a recouvré la liberté dès hier. Il demeure en probation pour les trois prochaines années.

 

Également sous les verrous depuis leur arrestation le 22 novembre 2006, deux autres têtes dirigeantes de la «famille», Paolo Renda, 69 ans, désigné comme le «consigliere», et Rocco Sollecito, 60 ans, ont été condamnés à quatre et huit ans de pénitencier. Suivant le même mode de calcul des peines liées à l'incarcération avant procès, il leur reste deux et quatre ans à purger.

Davantage compromis dans les activités «sur le terrain», les accusés de rang inférieur sont les plus lourdement touchés. Un chef de clan, Francesco Arcadi, 55 ans, ainsi que ses lieutenants, Francesco Del Balso, 38 ans, et Lorenzo Giordano, écopent de 15 ans. Les trois mafiosi devront purger au moins la moitié des 11 années «résiduelles» de cette peine avant de recouvrer la liberté. Pour des raisons techniques - il y a des détails à régler concernant la confiscation de certains de ses biens -, Giordano connaîtra «officiellement» sa peine seulement le 25 novembre prochain.

Outre l'emprisonnement, Del Balso s'est vu confisquer une villa de 200 000$ à Acapulco, au Mexique, ainsi que les quelque 600 000$ que la police a découverts en bonne partie dans des comptes bancaires au nom de ses deux jeunes enfants. Il a pu garder sa somptueuse résidence de Laval. En guise d'amendes, les six accusés ont aussi consenti à verser quelque 2,8 millions dans les coffres de l'État. D'autre part, Revenu Canada maintient les mandats de saisie sur les maisons et les biens de Nicolo Rizzuto et d'autres mafieux arrêtés dans le cadre de l'enquête Colisée, entamée en 2002.

L'issue de ce processus judiciaire est le fruit d'ardues négociations entreprises il y a un an entre les avocats de la poursuite et de la défense. Avant de rendre jugement hier, le juge Jean-Pierre Bonin, de la Cour du Québec, avait participé, à titre de «facilitateur», au dernier sprint de discussions. «Les sentences reflètent exactement le rôle et la nature des crimes commis par chacun des accusés, et dont on était en mesure de faire la preuve s'il y avait eu procès», a déclaré le procureur principal de la poursuite, Yvan Poulin, au moment de présenter le dossier devant le tribunal.

C'est ainsi, dans les cas de Nicolo Rizzuto et de son gendre Paolo Renda, par exemple, que le ministère public pouvait simplement démontrer que les liasses d'argent qui leur étaient remises à l'intérieur du Club social Consenza provenaient d'une maison de jeu clandestine et d'un réseau de paris sportifs sous le contrôle de Del Balso et Giordano. «Nous n'avons aucune preuve de leur implication dans les crimes graves, tels le trafic de drogue, l'extorsion et la corruption», de noter Me Poulin.

Exception faite d'une amende de 25$ qui lui a été infligée en 1974 pour s'être trouvé dans un «blind pig» de la rue Everett, Nicolo Rizzuto en est à sa première condamnation depuis son arrivée au Canada en 1954. À la fin des années 80, il a passé cinq années en prison au Venezuela après avoir été trouvé en possession de cocaïne. Il est revenu à Montréal au début de 1993. Il travaillait dans l'ombre de son fils Vito, jusqu'à ce que celui-ci soit arrêté en 2004, puis extradé aux États-Unis. Avec Renda, Sollecito et Arcadi, il a alors pris les rênes de l'organisation.

Assis derrière les grandes vitres du box des accusés, les six leaders du plus important gang mafieux de Montréal ont paru fort décontractés pendant toute la durée de l'audience d'hier. Ils conversaient entre eux, jetant parfois un coup d'oeil en direction des membres de leur famille venus leur apporter un peu de soutien moral. S'il en a presque fini avec la justice locale, Nicolo Rizzuto risque toujours d'être extradé en Italie, où il est accusé dans une affaire de blanchiment d'argent de 600 millions. Il y a une semaine, avec son fils Vito et six autres Canadiens, il a été inculpé par un juge. Les autorités italiennes prévoient demander également l'extradition de Vito, des États-Unis vers l'Italie.