Un attentat comme celui survenu à la soirée électorale du Parti québécois en 2012, c'est ce qui peut arriver quand des politiciens font «trop bouger les choses», a soutenu Gaétan Barrette mercredi. Il a dû présenter ses excuses quelques heures plus tard.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a soulevé un tollé en commentant, en anglais, le verdict de culpabilité pour meurtre non prémédité contre Richard Henry Bain. Ce dernier était passé à l'acte au moment où Pauline Marois, qui venait d'être élue première ministre, prononçait son discours au Métropolis. Il a tué un technicien de scène, Denis Blanchette, et en a blessé un autre, Dave Courage.

«Comme politicien, on ne veut pas voir ce genre de choses se produire. J'aurais souhaité que ça ne se produise pas. Mais c'est la société: quand vous faites trop bouger les choses (when you stir things up too much), parfois, ce genre de choses peuvent se produire», a-t-il soutenu à l'entrée de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, mercredi.

Selon lui, les politiciens doivent mesurer leurs propos pour éviter ce genre de drame.

«C'est malheureux, nous ne voulons pas que ça arrive encore. Mais nous devons prévenir ça, de plusieurs façons. Nous devons nous assurer que les arguments que nous tenons et les discours que nous donnons sont mesurés», a-t-il dit. Mais malgré toutes les précautions, «tout peut arriver».

Les déclarations du ministre ont provoqué un tollé. Le chef intérimaire du Parti québécois, Sylvain Gaudreault, a demandé au premier ministre Philippe Couillard de «rappeler à l'ordre sans délai» Gaétan Barrette pour ses «propos inacceptables».

Gaétan Barrette a tenté de corriger le tir sur Twitter. «En aucun temps n'ai-je fait un lien entre ce regrettable incident et quelque parti politique que ce soit. Vous m'en voyez sincèrement désolé», a-t-il gazouillé.

Lors d'une annonce à Lévis en début d'après-midi, il a présenté ses excuses.  Ses propos «visaient tout le monde», lui-même et «toute la classe politique dans son ensemble». « Si mes propos ont pu avoir offensé quelqu'un, je tiens à leur présenter sincèrement mes excuses», a-t-il affirmé. «Et je tiens sincèrement à présenter mes excuses à tous les gens qui de près ou de loin ont pu être touchés par ces événements. Je pense à la famille des deux techniciens qui ont été touchés par ça, et à Mme Marois évidemment.»

Sylvain Gaudreault trouve inconcevable que M. Barrette ait fait «un lien entre une position politique, tout à fait légitime et démocratique, et l'attentat du Métropolis». «Et, comme si ce n'était pas assez, le ministre demande aux députés de "mesurer" leur discours. De quel discours parle-t-il? Du discours souverainiste? Doit-on comprendre du ministre qu'il veut ainsi limiter la liberté d'expression des députés souverainistes? Le ministre de la Santé, qui, déjà, revient sur la portée de ses propos, comme il le fait trop souvent, devrait appliquer ses conseils à lui-même et tout simplement réfléchir avant de parler», a déclaré le chef intérimaire par voie de communiqué.

Pour la candidate à la direction du PQ, Martine Ouellet, des excuses ne suffisent pas. Gaétan Barrette doit démissionner, ou le premier ministre doit le démettre de ses fonctions, parce qu'il a «dépassé les bornes», «cautionné la haine politique» et «instrumentalisé» l'attentat au Métropolis.

Pauline Marois soulagée

De son côté, l'ex-chef Pauline Marois «a senti un soulagement, une certaine sérénité» à l'annonce du verdict de culpabilité pour meurtre au second degré prononcé hier contre Richard Bain, a relayé son successeur Sylvain Gaudreault.

Le chef intérimaire du Parti québécois (PQ) a dit avoir eu «une bonne conversation avec elle». «Elle est très très attentive pour la suite, pour la sentence», a-t-il dit lors d'un point de presse à Saint-Jérôme, auquel La Presse n'a pas assisté.

«La première chose qu'elle m'a dit, c'est qu'elle pensait à la famille de M. Blanchette et à M. Courage lui-même», a dit M. Gaudreault. «On a une relation d'amitié et de complicité et je voulais échanger avec elle sur cet enjeu.»

Mme Marois a refusé toutes les demandes d'entrevue depuis l'annonce du verdict. «Faut respecter ça», a dit son successeur.

Le chef péquiste a indiqué qu'il était satisfait de la décision du jury. «Je prends acte de ce verdict qui représente un bon soulagement pour tout le monde, pour la famille, a-t-il dit. Pour la suite des choses, il reste encore des étapes. On va écouter avec attention les plaidoiries sur la sentence.»

Sylvain Gaudreault était à Saint-Jérôme pour appuyer le candidat péquiste local, le conseiller municipal Marc Bourcier.

- Avec Philippe Teisceira-Lessard