Une Montréalaise qui se dit membre pratiquante mais «modérée» de l'Église du monstre du spaghetti volant se tourne vers la Cour supérieure dans le but d'obtenir le droit d'apparaître sur son permis de conduire coiffée de son bonnet religieux: un fichu de pirate.

La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) refuse de valider son permis de conduire avec une telle photo.

Isabelle Narayana, col bleu à la Ville de Montréal, veut faire annuler cette décision. Elle ne voit pas pourquoi la SAAQ lui refuse ce droit, alors qu'elle l'accorde aux adeptes de l'islam, du judaïsme ou du sikhisme. Mme Narayana allègue que son couvre-chef respecte pourtant les barèmes établis pour la prise de photo, puisqu'il ne couvre nullement son visage. Elle considère qu'il s'agit de discrimination à son égard.

La forcer à enlever son fichu va à l'encontre de son droit à la liberté de penser et de religion, comme l'établit la Charte canadienne des droits et libertés, note l'avocat Julius Grey, qui pilote ce singulier recours.

Le pastafarisme

Le Monstre du spaghetti volant est le dieu du pastafarisme, un mouvement qui parodie la religion et qui a été lancé aux États-Unis en 2005 par Bobby Henderson. Ce jeune diplômé en physique voulait ainsi protester contre la décision du Comité d'éducation du Kansas de permettre l'enseignement du dessein intelligent dans les écoles, au même titre que la théorie de l'évolution.

Bien qu'il y ait des variantes, le dessein intelligent s'apparente à la théorie créationniste, qui avance qu'un être divin est à l'origine de la vie.

En réaction, M. Henderson a décidé d'inventer une religion avec un être divin, puis a proposé d'enseigner sa théorie dans les écoles. Le mouvement a suscité l'engouement sur l'internet.

Dans les documents judiciaires, Mme Narayana raconte que c'est en 2007 qu'elle s'est intéressée au pastafarisme. Elle était alors désillusionnée du catholicisme, et aucune autre religion ne correspondait à ses convictions. En 2009, elle a commencé à s'habiller en pirate pour aller dans des endroits publics et pour travailler, soutient-elle.

Dans le pastafarisme (combinaison des mots «pâtes» et «rastafari»), les pirates sont vénérés. Selon la loufoque théorie, le Monstre du spaghetti volant est le créateur de l'Univers, et les pirates ont été les premiers pastafariens; ils étaient sympathiques, et leur déclin a amené le réchauffement de la planète.

C'est en mars dernier que Mme Narayana s'est présentée à la succursale de la SAAQ du boulevard Henri-Bourassa pour renouveler son permis de conduire avec photo. On exigeait qu'elle enlève son fichu. Mme Narayana a refusé. Comme aucun accommodement n'était possible, elle raconte qu'elle est allée dans un CLSC de Ville-Émard. À cet endroit, on lui aurait permis de garder son fichu pour la photo. Elle a obtenu son permis de conduire et sa carte d'assurance maladie avec cette photo. Mais en mai, la SAAQ l'a avisée que la photo devait être refaite, sans le fichu, sans quoi son permis serait suspendu. Mme Narayana a décidé de prendre un avocat. Elle a besoin de son permis pour travailler, affirme-t-elle.

La Montréalaise n'est pas la première adepte du pastafarisme à brandir publiquement le motif «religieux». Un homme de Vancouver, Obi Canuel, se bat depuis novembre 2013 pour apparaître sur son permis de conduire coiffé d'une passoire à spaghettis. Un adepte du mouvement en République tchèque et un autre en Autriche auraient réussi à obtenir le droit d'apparaître avec cet accoutrement sur leur permis de conduire.