Quand ils sont entrés dans la boutique Flawnego l'après-midi du 18 mars 2010, c'est Ducarme Joseph que les tueurs voulaient atteindre. Lui ou sa boutique. Mais c'est sur tous ceux qui se sont trouvés sur leur chemin qu'ils ont tiré.

«Notre théorie, c'est que personne n'allait survivre. Ceux qui n'ont pas pu se cacher sont morts ou ont été blessés. C'était planifié et c'était une aventure commune», a fait valoir le procureur de la Couronne Louis Bouthillier, lundi, alors qu'il amorçait sa plaidoirie au procès des trois hommes accusés des deux meurtres et deux tentatives de meurtres survenus au Flawnego, il y a quatre ans.

La boutique était la propriété de Ducarme Joseph, un influent chef de gang qui s'en est tiré indemne. La police croit qu'il a réussi à se cacher dans la boutique quand les tueurs sont arrivés, vers 13h40. Ces derniers, qui étaient déguisés, ont tiré une soixantaine de coups de feu, tuant Jean Gaston et Peter Christopoulos, et blessant gravement Frédéric Louis et Alain Gagnon. Ce dernier, un électricien qui effectuait des travaux dans le magasin, a été tiré deux fois à la tête, de très proche. Les tueurs ont laissé leurs armes sur place, avant de s'enfuir. Ils ont abandonné leurs vêtements, ainsi que deux perruques, un peu plus loin sur la rue, et seraient ensuite montés dans un véhicule de fuite. 

Me Bouthillier a fait valoir que les accusés avaient commis des erreurs et laissé des traces derrière eux, ce qui a porté chance à la police. Parmi ces traces, ont trouve de l'ADN sur deux armes et un manteau, la location du véhicule de fuite, la surveillance physique, de l'écoute électronique et une abondante preuve par téléphones cellulaires. Au regard de sa preuve, la Couronne pense que les tireurs étaient Kyle Gabriel et Terrel Lloyd Smith, tandis que Carey Isaac Regis conduisait la Dodge Caravan qui leur aurait servi à fuir.

Les cellulaires

Pendant toute la journée, lundi, Me Bouthillier s'est employé à décortiquer la preuve d'interaction téléphonique qu'il attribue aux trois accusés. À l'aide d'une grande carte, où l'on indique aussi l'emplacement des tours cellulaires, il est possible de suivre les déplacements des téléphones cellulaires reliés à chacun des accusés juste avant et après les meurtres. Ils se seraient trouvés dans le secteur du Vieux-Montréal au moment fatidique. Il est à noter que deux des accusés ont changé leur carte SIM après les meurtres, tandis que le troisième a carrément changé de téléphone.

Le véhicule

Plusieurs témoins ont vu les deux suspects s'enfuir après la fusillade. Certains ont relevé le numéro de plaque d'une Dodge Caravan noire dans laquelle les deux hommes seraient montés. Le jour même de la tuerie, les policiers s'étaient rendus chez Via Route, à Pointe-Claire, où le véhicule avait été loué. C'est Carey Isaac Regis qui l'avait loué à 12h46, et qui l'avait rapporté à 14h57. Il a déjà été établi qu'il avait parcouru 72 kilomètres. Un aller retour entre le commerce et le Flawnego donne environ 60 kilomètres. 

La Couronne continuera sa plaidoirie mardi. Les trois avocats de la défense ont pour leur part plaidé la semaine dernière. Lundi, Me Bouthillier a rappelé que deux des avocats de la défense, Me Franco Schiro et Me George Calaritis, veulent faire croire que Ducarme Joseph était de mèche avec les tueurs, voire même qu'il en était le cerveau. Mais c'est une théorie qui n'est soutenue par aucune preuve. 

Le point central de la cause est l'identification des accusés. La défense laisse entendre que la police n'a pas arrêté les bonnes personnes, et soutient que la preuve de leur culpabilité n'a pas été démontrée hors de toute doute raisonnable. Rappelons que le jury a commencé à entendre la preuve le 25 septembre dernier. Le procès s'est étiré beaucoup plus longtemps que prévu, puisqu'il devait finir avant les Fêtes. La juge donnera ses directives la semaine prochaine, et le jury entreprendra ensuite ses délibérations.