La GRC a arrêté préventivement lundi deux élèves du Collège de Maisonneuve soupçonnés d'avoir voulu partir en Syrie rejoindre des djihadistes, comme d'autres jeunes de l'établissement l'ont fait en janvier. Mesure exceptionnelle: le garçon et la fille, tous deux âgés de 18 ans, ont été jugés si inquiétants qu'ils demeurent sous les verrous pour l'instant.

«Vous êtes voués à la perte, ennemis de l'Islam. Vous ne pouvez rien contre l'Islam, ça vous enrage tellement, en plus de ça vos propres enfants deviennent musulmans malgré votre haine et surtout votre ignorance», a lancé récemment sur Facebook le jeune Mahdi El Jamali, l'un des deux élèves arrêtés, à l'intention des sympathisants d'un groupuscule islamophobe qui avait organisé une manifestation à Montréal.

Très actif sur Facebook, le jeune homme y faisait abondamment la promotion des activités d'Adil Charkaoui, à l'instar d'autres élèves du collège qui ont quitté le pays pour rejoindre des groupes djihadistes. Hier, au palais de justice, il avait perdu sa verve. Il est demeuré complètement silencieux.

Mahdi El Jamali et son acolyte Sabrine Djaermane ont comparu, menottes aux poings, sous les yeux de leurs familles visiblement très inquiètes, dans l'assistance.

La procureure de la Couronne fédérale Lyne Décarie s'est opposée à leur mise en liberté pour l'instant, si bien qu'ils demeureront détenus au moins jusqu'à lundi prochain. Une décision extrêmement rare en l'absence d'accusations criminelles, qui illustre à quel point les autorités prennent l'affaire au sérieux.

Mahdi El Jamali, les cheveux en bataille, vêtu d'un chandail à manches longues d'un club de soccer, a envoyé un baiser de la main à ses proches avant de quitter la salle d'audience. «Il n'y aura pas d'entrevues, que dalle!», a lancé un de ses proches aux médias.

Les deux jeunes ont été arrêtés en vertu de l'article 810 du Code criminel, qui permet de traîner un individu devant un juge et de lui imposer une série de conditions lorsque les autorités ont des raisons de croire qu'il commettra un crime.

La même procédure a été utilisée dans le cas de deux autres Montréalais soupçonnés de préparer une infraction terroriste récemment, mais ceux-ci n'ont jamais été détenus. On leur a simplement demandé de se présenter au tribunal, où ils se sont engagés à respecter de sévères conditions, notamment le port d'un bracelet électronique GPS.

Procédure expéditive

La façon de faire a été beaucoup plus expéditive avec Mahdi El Jamali et Sabrine Djaermane, qui ont été l'objet d'un mandat d'arrestation et jetés en cellule. Est-ce un prélude au dépôt d'accusations criminelles? 

«Il pourrait y en avoir» plus tard, a laissé entendre la procureure Lyne Décarie, sans vouloir dévoiler la preuve amassée par l'Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC.

Selon nos sources, c'est un appel de dénonciation du public qui a mis la police sur la trace des deux suspects. Les enquêteurs croient qu'ils voulaient partir rejoindre des groupes djihadistes en Syrie, mais leur comportement général à Montréal s'est aussi révélé inquiétant.

L'avocat de Mahdi El Jamali, Me Marc Giroux, a invité le public à réserver son jugement. «Il va falloir être prudent. Ce n'est pas parce qu'on est musulman ou qu'on fréquente des mosquées qu'on est une personne de mauvaises moeurs. Le système judiciaire est sensible à la réalité de ce qui se passe dans le monde, et même ici à Ottawa et Saint-Jean. C'est normal.»

Points en commun avec les disparus

Il a été impossible de confirmer hier si les deux jeunes arrêtés connaissaient les sept autres Québécois, dont cinq élèves du Collège de Maisonneuve, disparus en janvier. La police a perdu leur trace après leur arrivée en Turquie, zone de passage utilisée par les recrues du groupe armé État islamique pour rejoindre la Syrie.

Mahdi El Jamali avait toutefois des intérêts communs avec certains des disparus: comme Mohammed Rifaat, Bilel Zouaidia et un autre jeune identifié par Radio-Canada, il suivait les enseignements d'Adil Charkaoui, qui poursuit le gouvernement fédéral pour l'avoir associé à Al-Qaïda.

Mahdi El Jamali avait attribué la note de cinq étoiles au Centre communautaire de Charkaoui sur Facebook et s'était inscrit à l'événement «Fuyez vers Allah» organisé par M. Charkaoui en décembre. Il avait fait la promotion active sur son profil Facebook d'autres événements animés par l'imam, comme une conférence sur l'islamophobie dans la foulée des attentats de Saint-Jean et d'Ottawa, ainsi qu'un séminaire religieux.

M. Charkaoui, joint par La Presse, a refusé de parler de Mahdi El Jamali. Il s'est insurgé contre le fait qu'on le questionne sur les enquêtes policières visant ses élèves.

«S'il y a quoi que ce soit qui sort dans le journal, je vous poursuis devant les tribunaux. Vous êtes en train de salir ma réputation. Le gouvernement fédéral n'a pas cessé de vous couler des informations pour une campagne de salissage!», a-t-il lancé avant de raccrocher.

Mahdi El Jamali