Le garçon de 12 ans qui a apparemment tué son frère de 16 ans en jouant avec une arme de poing, lundi soir à Dorval, a été accusé ce mardi après-midi au Tribunal de la jeunesse d'homicide involontaire par arme à feu et possession d'une arme prohibée.

Des accusations d'une gravité rarissime chez de si jeunes accusés, qui pourraient valoir à l'enfant, s'il était trouvé coupable, trois ans de détention en garde fermée.

Après l'avoir interrogé durant plusieurs heures en présence de l'un de ses parents la nuit dernière, les enquêteurs de la section des crimes majeurs de la police de Montréal ont soumis leur preuve au Directeur des poursuites criminelles et pénales qui a ensuite déposé ces chefs d'accusation.

Le garçon a comparu devant son père et sa mère, des oncles et des tantes. Devant le juge,dans le box des accusés, l'enfant de grande taille à qui on donnerait volontiers 14 ans plutôt que 12 avait le regard fuyant, nerveux.

À un oncle qui tentait d'attirer son attention, il a à peine répondu.

Il a plaidé non-coupable et demeura détenu pour quelque temps, puisque la procureure aux poursuites criminelles et pénales Marie-Claude Bourassa, s'est opposée à sa libération. Il sera de retour en cour vendredi, mais on ne fera alors que remettre de la preuve à la défense. L'audience sur la remise en liberté du jeune n'aura donc pas lieu avant la semaine prochaine. Il est d'ici là sous la garde des centres Batshaw, soit la division anglophone des Centres jeunesse dans l'ouest de Montréal.

Me Bourassa a refusé de se prononcer sur le fait qu'il puisse s'agir ou non d'un accident, comme le veut l'hypothèse principale.

« C'est une affaire extrêmement triste, mais si nous déposons de pareilles accusations, c'est que nous avons suffisamment de preuve pour les appuyer », a déclaré Me Bourassa.

Elle a aussi indiqué que l'enfant de 12 ans avait un dossier pendant devant le Tribunal de la jeunesse à sa toute jeune fiche, soit pour vol à l'étalage. Une affaire remontant à quelques mois.

Rappelons que 12 ans est l'âge minimal pour déposer des accusations criminelles contre une personne au Québec.

Le drame ébranle le quartier paisible de Dorval où les deux adolescents étaient perçus comme polis et réservés. « C'était les deux enfants de cet âge les plus polis que j'aie vus depuis longtemps », dit Andrew Carruthers, un voisin.

Il connaît plutôt bien la famille, qui habitait en face de chez lui depuis près de quatre ans, soit depuis le divorce des parents.

« La mère est très gentille, attentionnée. Qu'il y ait une arme dans cette maison n'a aucun sens. C'est une dame très nerveuse. Une bonne mère, qui fait à elle seule pour ses fils plus que ce que deux parents font ensemble dans la plupart des familles. »

Il dit que le père des enfants vient chercher ses fils environ une fois par semaine. Lundi soir, M. Carruthers est sorti promener son chien.

« Je suis sorti, j'ai vu un de leurs amis quitter la maison. J'ai marché pendant 10 minutes et, quand je suis revenu, il y avait toutes ces voitures de police devant la maison », raconte-t-il.

« Je suis triste pour la dame, elle a perdu ses deux fils, hier: le plus vieux est mort, et le plus jeune sera troublé pour toujours »,déplore M. Carruthers.

Chez le père des garçons, la famille était réunie en après-midi et tentait de réaliser ce qui se passe. Une tante en sanglots a dit qu'elle ne comprenait pas comment un si jeune garçon avait pu se trouver en possession d'une arme.

La police de Montréal n'a pas précisé comment l'arme s'est retrouvée dans les mains du jeune garçon.

« Ce qu'on sait, c'est qu'il s'agit d'une arme de poing, une arme familiale », explique l'agent Simon Delorme, porte-parole de la police de Montréal. Il se pourrait que l'arme soit un legs familial.

Il semble a priori que l'arme n'ait pas été très difficile d'accès pour les deux frères. La police cherche à déterminer si elle a pu être entreposée négligemment, ce qui constitue une infraction criminelle. Mais la mère ne devrait pas être accusée de cela pour le moment.

« Elle est pour l'instant considérée comme un témoin important, et tous les aspects de ce drame sont l'objet d'une enquête », a ajouté M. Delorme.

Rappelons que le drame s'est joué vers l'heure du souper, lundi, dans une résidence située à l'angle de la place Hamilton et de la rueThorncrest.

« Vers 17 h 30, les policiers ont reçu un appel au 911 qui disait qu'un jeune homme de 16 ans venait d'être atteint par balle. Sur place, ils ont découvert le jeune homme blessé, ainsi qu'un garçon de 12 ans qui se trouvait également dans la maison», a expliqué lundi soir l'agent Daniel Lacoursière, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

C'est le garçon de 12 ans qui aurait fait l'appel de détresse.

« À l'arrivée des ambulanciers, le jeune homme de 16 ans était en arrêt cardio-respiratoire et avait reçu un projectile d'arme à feu à la tête. Nous avons tenté les manoeuvres de réanimation et transporté la victime en ambulance. Tout au long du trajet, nous avons poursuivi les manoeuvres, mais cela n'a pas fonctionné. Le décès de l'adolescent a été constaté à l'hôpital », a ajouté Stéphane Smith, porte-parole d'Urgences-santé.

« L'histoire que nous avons entendue sur place, c'est que les deux adolescents jouaient avec une arme et qu'un coup serait parti accidentellement », a indiqué M. Smith. Cette information n'a cependant pas été confirmée par la police.

La mère des deux garçons a aussi été transportée à l'hôpital en raison d'un violent choc nerveux.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud