Dans la petite salle du tribunal de la jeunesse de Trois-Rivières, mercredi, des parents anéantis attendaient que comparaissent les deux adolescents soupçonnés d'avoir tué leur enfant. Les deux prévenus de 16 et 17 ans sont finalement entrés dans la pièce, menottes aux poings et vêtus d'une combinaison blanche. On aurait entendu une mouche voler.

La veille, un drame terrible s'est joué dans une maison de la rue Sicard, située dans un quartier cossu de Trois-Rivières. Une jeune femme de 22 ans, sa soeur de 17 ans et son copain du même âge ont été assassinés.

Les suspects arrêtés sur les lieux du crime, mardi, ont été accusés de meurtre prémédité et de complot pour meurtre.

Durant les quelques minutes qu'a duré la comparution, les proches des victimes se tenaient la main. Leurs yeux rougis étaient rivés sur les accusés. À l'inverse, les deux jeunes hommes n'ont pas une seule fois posé le regard sur l'assistance.

Le directeur aux poursuites criminelles affecté au dossier, Me Hippolyte Brin, a demandé qu'en dépit de leur âge, les adolescents soient jugés comme des adultes.

«Advenant le cas que les accusés soient [jugés] coupables, c'est au niveau de la sentence que cet avis-là a un effet», a expliqué l'avocat de l'un des accusés, Me René Duval.

La libération conditionnelle pour meurtre est possible après 25 ans pour les adultes, contre 10 ans pour les mineurs.

Modus operandi

Selon des informations obtenues par La Presse, les suspects se seraient rendus sur les lieux du crime en autobus de la ville. Leurs armes, des fusils de chasse, étaient dissimulées dans des sacs ou des étuis.

Une fois sur place, l'un aurait sonné à la porte de la maison pendant que l'autre était caché. Quand l'une des victimes a ouvert, ils sont entrés dans le domicile. L'aînée des victimes aurait composé le 911. Le combiné serait resté allumé et le contenu de l'enregistrement laisserait peu de place à l'imagination quant au déroulement des événements qui ont suivi.

Un triangle amoureux serait à l'origine de cette scène d'horreur. L'un des jeunes hommes aurait accepté de suivre son ami dans ses intentions meurtrières à condition que ce dernier le tue une fois le travail accompli, toujours selon une source près du dossier.

Chaque prévenu fait face à six chefs d'accusation. Les deux jeunes auraient aussi comploté pour tuer des policiers et la mère des deux soeurs assassinées.

«Continue de briller, ma belle étoile»

En raison d'un interdit de publication, les noms des victimes et des suspects ne peuvent être divulgués. À Trois-Rivières cependant, rares sont ceux qui ignorent l'identité des personnes impliquées.

Des fleurs à la mémoire des victimes avaient été déposées dans un banc de neige devant la maison, théâtre d'une scène inimaginable.

«Petit ange, veille sur nous de là-haut. Continue de rayonner parmi les étoiles», pouvait-on lire sur l'une des petites cartes.

Entre deux camions d'une entreprise de nettoyage après sinistre, un jeune voisin et ami de l'une des soeurs regardait la vitre brisée au deuxième étage.

«Ça n'a aucun sens de savoir que quelqu'un ait pu se rendre là, à cause de la jalousie ou peu importe, ça n'a aucun sens. Aller la tuer, ça n'a aucun sens», a-t-il laissé tomber, encore secoué par les événements qui se sont déroulés à quelques mètres de chez lui.

Le Collège Marie-de-l'Incarnation ébranlé

Le directeur général du Collège Marie-de-l'Incarnation (CMI) était secoué lorsqu'il a eu la confirmation au téléphone, pendant notre entrevue, que la jeune fille de 17 ans était bien celle qu'il croyait. «Une belle jeune fille avec beaucoup de leadership» qui terminait ses études secondaires.

«Ce serait totalement faux de dire qu'on n'est pas ébranlés. Tous les membres de la direction [...], quand on s'est retrouvés entre nous, c'est évident que nous avions aussi beaucoup d'émotions», a laissé tomber l'homme, visiblement ému.

L'onde de choc est amplifiée par le fait que le père des deux soeurs assassinées est président du conseil d'administration du Collège.