La cause d'une femme médecin qui devait être jugée pour avoir omis de fournir les choses nécessaires à la vie de sa conjointe atteinte de démence, est tombée dans le daleau de l'arrêt Jordan, hier, à Montréal.

Jugeant les délais déraisonnables pour que Sheridan Diaz, 65 ans, subisse son procès, le juge Robert Marchi, de la Cour du Québec, a mis fin aux procédures. Après s'être livré à une série de calculs et d'analyses, le juge est arrivé à la conclusion que le délai imputable au ministère public était de 42 mois. « C'était la responsabilité de l'État d'amener Mme Diaz à procès dans les délais », a noté le juge Marchi en faisant référence à l'arrêt de la Cour suprême, qui encadre les délais judiciaires.

La Dre Diaz, qui pratique à Cornwall, a été accusée en janvier 2013. Elle a subi son enquête préliminaire en janvier 2015, et son procès devait se tenir en mai 2017. Ses avocats, Richard Therrien et John Philpot, ont présenté une requête en arrêt des procédures pour cause de délais déraisonnables, avec le résultat que l'on connaît. Me Sylvie Dulude, de la Couronne, admettait elle-même que les délais avaient été longs parce qu'il n'y avait pas eu de dates disponibles avant.

Ironie de la chose, pour des faits semblables survenus à Cornwall, avec la même victime alléguée, à peu près au même moment qu'à Montréal, Mme Diaz a été jugée en Ontario et a été acquittée, en octobre 2013.

Excréments de chien

Au printemps 2012, les voisins étaient intrigués par ce qui se passait dans le petit cottage situé au 320, rue Vinet, à Dorval. On entendait des chiens aboyer dans la maison, et une vieille dame frêle apparaissait à la fenêtre parfois. Une autre dame, plus jeune, venait et repartait. À un certain moment, une voisine a alerté le CLSC, et les autorités sont intervenues. La dame de plus de 80 ans, manifestement désorientée, se trouvait seule avec des chiens dans la maison, qui n'avait pratiquement pas de meubles. Il y avait des excréments d'animaux partout. L'odeur était si infecte qu'on ne pouvait y rester que quelques secondes, a relaté un témoin, lors de l'enquête préliminaire. Il y avait des chats dans des cages à l'étage.

La femme, déshydratée et qui affichait une morsure à un membre, a été transportée à l'Hôpital général du Lakeshore. Elle ne répondait pas aux questions. Les autorités ont fini par rejoindre la propriétaire de la maison, Mme Diaz. Au début, cette dernière a fait croire qu'il s'agissait de sa mère, mais au fil du temps, elle devait avouer qu'il s'agissait de son épouse. Les deux femmes, dont l'écart d'âge était de 20 ans, s'étaient connues à Montréal dans les années 70 et étaient ensemble depuis. Elles ont vécu un bon moment au Texas. Elles sont revenues au Canada à un certain moment. Mme Diaz a reconnu que sa conjointe avait besoin d'être placée, mais son histoire n'était pas limpide.

Quelques jours plus tard, Mme Diaz s'est présentée avec un stéthoscope au cou et a fait mine d'amener la vieille dame à la cafétéria. Elle s'est plutôt enfuie avec elle, à Cornwall. En juin, la vieille dame a été retrouvée seule dans la maison de Cornwall, dans son urine et dans des conditions jugées inadéquates. Ce qui a valu à Mme Diaz d'être accusée à Cornwall.

Extraits de la décision du juge Robert Marchi: 

«Un délai institutionnel de 42 mois, c'est largement au-dessus du total [acceptable].»

«Les responsables vont devoir prendre des mesures positives. Même si Montréal est un district avec un grand volume, un tel délai n'est pas justifiable.»

«Tous dans ce dossier ont fait ce qu'ils ont pu avec ce qu'ils avaient.»

«Ce délai n'est pas raisonnable.»

Lors de son procès à Cornwall, Sheridan Diaz soutenait qu'elle s'était absentée temporairement, pour aller chercher une gardienne. Elle a été acquittée.