La marijuana séchée n'est plus la seule forme de cannabis médicale qui peut être légalement possédée par les producteurs autorisés et leurs patients: la Cour suprême du Canada a statué jeudi que cette limite est inconstitutionnelle.

Le régime de marijuana médicale créé en 2001 empêche les patients et producteurs de posséder et de vendre de la marijuana sous d'autres formes, comme des biscuits, des crèmes, du beurre ou des huiles. La seule marijuana susceptible d'être possédée était jusqu'à présent la marijuana séchée qui peut être fumée.

Un homme de la Colombie-Britannique accusé en 2009 d'avoir eu en sa possession des biscuits et des huiles à base de cannabis a été accusé de possession de THC aux fins d'en faire le trafic et de possession de cannabis. Il les transformait pour les membres d'un club de patients basé sur l'île de Vancouver.

La Cour suprême a donné raison aux deux tribunaux inférieurs de la province et décrété que ces accusations et l'interdiction de posséder de la marijuana à des fins thérapeutiques sous d'autres formes que séchée contreviennent au droit à la liberté et à la sécurité des patients et des producteurs, garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

« Ces personnes s'exposent à des sanctions criminelles si elles produisent ou possèdent des produits de cannabis autres que de la marijuana séchée », a écrit la Cour.

Le régime expose également « les personnes visées aux risques de contracter un cancer ou des infections des bronches qui sont associés au fait de fumer de la marijuana sèche, et les empêche de choisir un traitement plus efficace. »

« En outre, en contraignant ces personnes à choisir entre, d'une part, un traitement légal, mais inadéquat et, d'autre part, une solution illégale, mais plus efficace, la loi porte également atteinte à la sécurité de la personne », ont conclu les sept juges qui ont entendu ce dossier.

Le jugement s'applique immédiatement : la Cour suprême a annulé le délai d'un an qui avait été accordé au gouvernement fédéral en août 2014 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique afin de lui permettre d'ajuster son cadre législatif.

L'acquittement d'Owen Edward Smith a aussi été confirmé. Il était accusé en vertu des articles 4 et 5 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. M. Smith s'était fait prendre chez lui avec 211 biscuits au cannabis, un sac de marijuana séchée et 26 contenants de liquides étiquetés « baume à lèvres » et « huile à massage ».

La Cour a conclu que les limites imposées par cette loi à l'égard de la possession de produits dérivés du cannabis à des fins médicales sont arbitraires et contraires à ses objectifs de protection de la santé et de la sécurité.

La ministre indignée

Cette décision promet d'être accueillie très favorablement dans le milieu de la marijuana thérapeutique, où plusieurs remettent en question depuis plusieurs années le bien-fondé de cette limite imposée par Ottawa.

La ministre fédérale de la Santé, Rona Ambrose, s'est quant à elle dite indignée par ces conclusions.  

« La marijuana n'a jamais été soumise au processus d'approbation réglementaire de Santé Canada, qui requiert une évaluation rigoureuse de la sécurité et des tests cliniques exigeant des preuves scientifiques », a-t-elle souligné.

« Donc franchement, je suis indignée par la Cour suprême. »

Ce sont les tribunaux qui ont pavé la voie au régime de marijuana médicale par l'entremise d'une série de décisions rendues depuis 15 ans. Ces décisions ont graduellement déconstruit l'édifice des règles criminelles qui invalidait les interdictions criminelles d'avoir recours à ces substances comme traitement thérapeutique.

Santé Canada n'a toutefois jamais reconnu la marijuana comme étant un médicament en bonne et due forme.

Le premier régime de marijuana médicale a vu le jour en 2001 et prévoyait une implication plus active du gouvernement fédéral. Ce système initial a cédé le pas en 2013 à un nouveau régime, basé cette fois-ci sur une poignée d'entreprises autorisées à produire de la marijuana pour des patients détenteurs de prescriptions de leurs médecins.

Tant le régime de 2001 que celui de 2013 limitaient les autorisations médicales à de la marijuana séchée.

« C'est une victoire énorme », s'est réjoui Adam Greenblatt, directeur général de l'organisme Santé Cannabis, qui était intervenu devant la Cour suprême.

« Essentiellement, ça décriminalise la possession et le trafic des dérivés de marijuana médicale pour les patients autorisés. C'est un autre moment charnière dans l'évolution de nos lois sur la marijuana. »