On ne peut pas enquêter sur les malversations dans le milieu de la construction et, simultanément, être soi-même représenté par un syndicat affilié à la FTQ, même si cela brime le droit à la liberté d'association. Voilà l'essentiel d'un jugement rendu hier par la Cour d'appel du Québec, qui devait déterminer la validité de la demande d'accréditation syndicale des employés enquêteurs de la Commission de la construction du Québec (CCQ).

En été 2011, le gouvernement provincial a adopté la Loi concernant la lutte contre la corruption, dite loi 15. Or cette loi en modifiait une autre qui a pour effet d'empêcher les employés de la CCQ menant des enquête d'être associés à un syndicat représentant des travailleurs de la construction.

En conséquence, l'unité qui représentait les 900 employés de la CCQ depuis 1972, le local 573 de la FTQ, a été scindée en deux.

D'un côté, le personnel administratif, qui demeurait syndiqué. De l'autre, 280 employés dotés de pouvoir d'enquête, dont quatre qui ont été intégrés à l'UPAC.

«Ces employés avaient six mois pour constituer une nouvelle unité syndicale, sans quoi leur convention collective cessait de s'appliquer», explique l'avocat du local 573, Me Claude Tardif.

Malgré l'opposition de leur employeur, ils ont donc tenté de se syndiquer à nouveau avec le 573, mais dans une nouvelle unité. Ils ont du même coup contesté la constitutionnalité des nouvelles dispositions les empêchant d'être membres d'un syndicat représentant des travailleurs de la construction, faisant valoir que cela brimait leur droit d'association garanti par les Chartes québécoise et canadienne.

Des cas de conflit d'intérêts

Après la Commission des relations de travail et la Cour supérieure, la Cour d'appel a de nouveau refusé, dans un jugement rendu hier, l'adhésion des enquêteurs de la CCQ au local 573, car ils se retrouveraient affiliés à la FTQ, à l'instar de plusieurs cibles potentielles de leurs enquêtes.

Les modifications législatives de 2011 «ne visent pas simplement à éliminer un supposé conflit d'intérêts appréhendé», écrit la juge Julie Dutil au nom du trio de juges qui a entendu l'affaire.

«La preuve a révélé des incidents qui ont eu lieu et qui illustrent la possibilité de conflits d'intérêts», poursuit-elle.

La Cour donne toutefois raison au local 573 sur un élément important en convenant que la loi touchant les travailleurs de la CCQ contrevient à la liberté d'association garantie par les chartes. Mais elle considère que dans ces délicates circonstances, la contravention à ces principes fondamentaux est acceptable.