La criminalité continue à diminuer au Canada. Les crimes ont atteint leur plus bas niveau en 40 ans, selon les plus récentes données de Statistique Canada publiées hier. Le vieillissement de la population et la technologie pourraient expliquer cette importante baisse, selon deux criminologues.

Les corps policiers canadiens ont rapporté l'an dernier moins de 5800 crimes par tranche de 100 000 habitants au pays. C'est près de la moitié moins du sommet atteint en 1991. Non seulement y a-t-il moins de crimes, mais ceux-ci sont également de moins en moins graves. L'indice de gravité des crimes conçu par Statistique Canada en 2001 a reculé de 26% depuis 10 ans.

«C'est quand même étonnant, on en arrive à des planchers de criminalité violente assez bas. On se demande où ça va arrêter», constate le criminologue Marc Ouimet, de l'Université de Montréal. Pour lui, le vieillissement de la population - ou plus exactement, la baisse du nombre de jeunes adultes - serait grandement responsable de la baisse de la criminalité enregistrée partout au pays. «La criminalité, c'est une affaire de jeunes de 14 à 35 ans. C'est eux qui volent, violent, tuent. S'ils sont occupés, décrochent des emplois facilement, ils ont moins de temps à traîner dans les rues à faire de mauvais coups», résume Marc Ouimet.

L'arrivée massive des baby-boomers à la retraite faciliterait ainsi grandement l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Et comme les jeunes étudient de plus en plus longtemps, ils passeraient moins de temps à vivoter entre la fin de leurs études et le moment de démarrer leur vie adulte.

Les données publiées par Statistique Canada en disent long sur le lien entre l'âge et la criminalité. Les jeunes de 18 ans sont de loin ceux qui commettent le plus de crimes à l'échelle nationale: ils affichent un taux de criminalité de près de 14 500 infractions par 100 000 personnes. Dès leur 30e anniversaire, les Canadiens sont la moitié moins nombreux à perpétrer un crime.

La technologie semble également jouer un rôle important dans la baisse de la criminalité au pays. D'un côté, la multiplication des mesures de sécurité, tant des caméras de surveillance que des puces électroniques pour enrayer la fraude, rend de plus en plus risqué le fait de commettre un crime. De l'autre, l'émergence de l'internet pourrait aussi avoir contribué à faire baisser le taux de criminalité.

«Les gens passent beaucoup de temps devant leur écran d'ordinateur. Ils jouent, ils magasinent, ils flirtent, même. Bref, ils sortent moins dans les bars, dans les parcs, alors il y a moins de risques de batailles. Souvent, la criminalité, ce sont des conneries. Mais l'internet réduit la spontanéité du crime pour les bandes de jeunes qui traînent sur un coin de rue», illustre Marc Ouimet.

Plus de crimes à Montréal qu'à Toronto

Alors que les fusillades à Toronto font les manchettes, les chiffres de Statistique Canada permettent étonnement de constater que la métropole canadienne est paradoxalement la ville affichant le plus faible taux de criminalité parmi les 33 plus grandes agglomérations du pays. On y recense moins de 3400 crimes par 100 000 habitants, alors que la moyenne canadienne est de 5750.

Montréal affiche d'ailleurs un taux de criminalité plus élevé que Toronto, avec 4800 crimes par 100 000 habitants. Si le taux d'homicide est légèrement plus faible dans la métropole québécoise, le taux d'introduction par effraction et de vols de voitures est la moitié moins élevé dans la Ville reine.

Ces données n'étonnent pas Ronald F. Melchers, criminologue à l'Université d'Ottawa. «Toronto est une ville où les gens travaillent, surtout chez les immigrants où beaucoup occupent plusieurs emplois. C'est un style de vie qui laisse peu de temps pour traîner dans les bars.»

Meurtres en hausse au Québec

À l'échelle du pays, les crimes graves ont reculé de 4% en 2011. Les meurtres font toutefois exception, comme ils ont connu une hausse de 7% en 2011. Statistique Canada rapporte que cette hausse est principalement attribuable à une augmentation des homicides en Alberta et au Québec.

Pour la première fois depuis 2004, la Belle Province a en effet connu plus de 100 meurtres en une année (105, une hausse de 24% par rapport à 2010). «C'est un peu inexplicable, s'étonne Marc Ouimet. Probablement qu'il y a eu quelques événements, comme des drames familiaux, impliquant plusieurs personnes. Il y a certainement un questionnement à avoir pour savoir pourquoi soudainement il y a cette hausse.»

Statistique Canada rappelle toutefois que les meurtres demeurent rares au Canada. Il souligne qu'ils sont moins fréquents que les suicides.