Le crime organisé utilise couramment les services de Postes Canada pour livrer de la drogue partout au pays, un fléau que la société de la Couronne se dit incapable d'arrêter en raison de son étendue.

Postes Canada a intercepté près de 2500 colis illégaux en 2009 et 2010, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Près des trois quarts d'entre eux contenaient de la drogue, principalement de la marijuana, mais aussi du haschich, de la cocaïne, des comprimés d'ecstasy et des stéroïdes.

La société de la Couronne reconnaît qu'il s'agit probablement de la pointe de l'iceberg, puisque seule une infime partie des colis sont inspectés. Ceux-ci sont scrutés à la loupe seulement lorsque des doutes sont soulevés sur leur contenu. «Avec les volumes qu'on a, c'est certain que des gens vont utiliser la poste pour envoyer leurs matières illicites parce que c'est peu coûteux comparé à ce que ça coûte d'envoyer quelqu'un les livrer», indique Luc Aubry, inspecteur des postes responsable de la région du Québec.

Le trafic de drogue par l'entremise de Postes Canada touche particulièrement les communautés isolées du nord du Canada. Le 3 mars 2009, l'interception d'un colis à destination du Nunavut a permis de découvrir un impressionnant butin: 13 kg de marijuana, 1 kg de haschich, 140 flasques de haschich liquide, 44 gr de cocaïne, 329 pilules d'ecstasy et des centaines de bouteilles contenant en tout 214 litres d'alcool.

Les données obtenues par La Presse indiquent que la majorité des envois ne contiennent que quelques grammes de marijuana ou de cocaïne. Il ne faut toutefois pas se tromper, ces petits envois font souvent partie d'une opération plus importante, expose le sergent d'état-major Christian Gauthier, responsable des opérations de lutte contre les stupéfiants à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Plutôt que mettre toute leur drogue dans un seul colis, les trafiquants peuvent diviser leur butin en plusieurs envois. «Ainsi, si certains se font intercepter, d'autres vont tout de même se rendre», explique-t-il.

La GRC a toutefois la stratégie à l'oeil. Début septembre, le corps policier a suivi à la trace 29 petits colis envoyés au Nunavut et mené une série d'arrestations pour démanteler un réseau de trafiquants qui utilisait ce stratagème.

Le coût élevé des transports dans cette région du pays explique le recours fréquent aux services postaux. «Il n'y a pas beaucoup de transporteurs qui vont dans le Grand Nord et on livre partout. L'entreprise la plus susceptible de livrer des colis dans le Nord, c'est Postes Canada», dit Luc Aubry. Il ajoute que «le gramme coûterait pas mal plus cher dans le Grand Nord» si les trafiquants devaient eux-mêmes livrer leur drogue.

Alors que le crime organisé utilise fréquemment des «mules» pour importer leur drogue au pays, un billet d'avion vers Iqualuit, capitale du Nunavut, coûte environ 2300 $.

Le phénomène du trafic postal n'est toutefois pas unique au Nord. En avril 2009, Postes Canada a intercepté dans les provinces atlantiques un colis contenant 2,2 kg de marijuana, 3 kg de cocaïne et 20 000 comprimés d'ecstasy.

La drogue saisie est souvent accompagnée d'argent liquide. En plus de centaines de comprimés de méthamphétamines, Postes Canada avait ainsi découvert en 2009 une liasse de 1000 billets de 50 $.

La contrebande de cigarettes représente aussi un problème de taille pour Postes Canada. Pas moins de 246 envois interceptés en 2009 et 2010 contenaient des cigarettes ou du tabac. Dans un seul envoi, la société de la Couronne a découvert 40 000 cigarettes, soit 200 cartons.

- Avec William Leclerc