Lorsqu'ils ont fait connaissance, sur un site de rencontres, Stéphanie Meunier s'est décrite à Francis Bastien comme une femme qui aimait les enfants.

Stéphanie Meunier, 32 ans, est maintenant accusée du meurtre prémédité du fils de Francis Bastien, Jérémy Bastien-Perron, 4 ans.

M. Bastien, 29 ans, a commencé à témoigner hier, au second jour du procès de Stéphanie Meunier, au palais de justice de Montréal. Il a témoigné avec beaucoup de difficulté, d'une voix à peine audible. Il semblait avoir du mal à comprendre les questions pourtant simples du procureur de la Couronne, Me Louis Bouthillier. Il a mis souvent du temps à y répondre, hésitant même au sujet de l'année de la mort de son fils, survenue en décembre 2008.

M. Bastien a fait la connaissance de l'accusée en mai 2008. «Elle me disait qu'elle aimait les enfants, qu'elle était mère de quatre enfants», a-t-il raconté. Sept mois plus tard, en novembre, ils ont décidé d'emménager ensemble dans un logement de la rue Armand-Bombardier, à Rivière-des-Prairies.

À l'époque, M. Bastien travaillait à temps plein dans une entreprise de planchers à Lachine. L'accusée, mère au foyer, gardait Jérémy. Lorsqu'il rentrait du travail, elle lui disait souvent que Jérémy «faisait des choses pas correctes» comme prendre du temps avant de finir son assiette, se souvient-il.

Avant de connaître Mme Meunier, le père n'avait pratiquement jamais levé la main sur son fils. Il se souvient de trois fois, dont l'une, alors que l'enfant avait 2 ans, où il l'a giflé parce qu'il lui avait craché au visage.

Les regrets de la mère

La mère de l'enfant, Julie Perron, avait 17 ans lorsqu'elle est tombée enceinte. À l'accouchement, elle n'était déjà plus en couple avec Francis Bastien. Le père a eu la garde de Jérémy un week-end sur deux jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de deux ans et demi. En 2006, Mme Perron a eu un second enfant. «Épuisée, au bord de la dépression», elle a confié la garde de Jérémy au père. Cela s'est fait à l'amiable, a-t-elle témoigné hier.

Julie Perron a vu son fils pour la dernière fois à la fin du mois d'août 2008. Il ne portait pas de marques de violence. Elle dit avoir tenté à plusieurs reprises de le voir par la suite, mais son ex-conjoint ne la rappelait jamais. Lorsque Mme Perron s'est présentée chez le couple Meunier-Bastien, à la fin du mois d'octobre, l'accusée lui aurait claqué la porte au nez. La mère songeait alors à intenter des recours pour obtenir la garde de Jérémy. «Je pense que j'ai trop attendu pour arriver au résultat que l'on connaît», a-t-elle dit sur un ton désolé.

Des cris chaque jour

Chantal Mercier, voisine de Mme Meunier, a déclaré qu'elle entendait chaque jour des cris et des claquements de porte provenant du logement du couple Meunier-Bastien.

Les cris étaient ceux d'une femme et d'un enfant, selon cette voisine, qui vivait avec son conjoint, Errol Jean, dans le logement au-dessus de celui de la famille recomposée de cinq enfants.

Le 6 décembre 2008, jour de la mort de Jérémy, Mme Mercier a encore une fois entendu «des cris colériques» provenant du logement de Mme Meunier. «C'était comme une grosse chicane, une grosse bataille» entre une femme et un enfant, a-t-elle expliqué au jury.

M. Jean a pour sa part entendu une porte claquer dans l'appartement du dessous vers 18h, «suffisamment fort pour que tout l'immeuble l'entende». Le couple n'a jamais pensé appeler la police ou la Direction de la protection de la jeunesse. «Je ne me mêle pas des affaires des autres. Je ne savais même pas qu'il y avait cinq enfants en bas», a indiqué M. Jean.

Plus tôt, hier, le sergent Jean-François Leblond, de la police de Montréal, et l'urgentologue Karen Oulianine ont décrit l'arrivée de l'enfant à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. «C'était dramatique et traumatisant pour tout le monde», a indiqué la médecin de 25 ans d'expérience. «Des infirmiers avaient des hauts-le-coeur. Certains se sont mis à pleurer», a ajouté le sergent Leblond.

En découvrant le corps du petit garçon, couvert d'ecchymoses, tous deux ont conclu à une mort violente non accidentelle. L'enfant était en arrêt cardio-respiratoire à son arrivée à l'hôpital, à 18h45. On n'a pu le réanimer.

«Malgré mon expérience, je n'ai jamais vu un patient avec autant de bleus, à part chez ceux qui ont des problèmes de coagulation», a insisté la Dre Oulianine. Le procès, présidé par la juge de la Cour supérieure Johanne St-Gelais, se poursuit aujourd'hui avec la suite du témoignage de Francis Bastien.