Le combat de Claude Robinson contre Cinar entre dans une nouvelle ronde.

Vingt mois après avoir eu gain de cause devant la Cour supérieure, c'est un homme «fatigué» - il se décrit lui-même ainsi - qui s'est présenté, hier, à la Cour d'appel du Québec.

En août 2009, après une bataille juridique qui aura duré 14 ans, l'auteur et dessinateur a obtenu gain de cause contre Cinar, son ex-dirigeant Ronald Weinberg, l'auteur français Christophe Izard - ce dernier ayant toujours prétendu être le créateur de Robinson Sucroë - ainsi que trois autres coproducteurs. Ils ont alors interjeté appel, refusant du même coup de verser à M. Robinson les 5,2 millions$ que le juge leur avait ordonné de payer.

Dans un jugement de 240 pages, le juge Claude Auclair a tenu responsables ces «bandits à cravate ou à jupon» - comme il les a qualifiés - d'avoir volé l'oeuvre de Claude Robinson intitulée Les aventures de Robinson Curiosité. Ronald Weinberg a comploté avec Christophe Izard pour dépouiller M. Robinson de ses droits d'auteur, selon le juge de la Cour supérieure.

La question des droits d'auteur est encore au coeur du procès en appel qui s'est ouvert hier et qui doit durer quatre jours. «Il n'y a pas eu de contrefaçon. Les deux oeuvres (Robinson Curiosité et Robinson Sucroë) sont substantiellement différentes», a indiqué d'entrée de jeu Me Pierre Lefebvre, avocat de l'auteur français Christophe Izard, de France Animation et de Ravensburger Film, les coproducteurs de l'émission Robinson Sucroë.

Les appelants ont tout de même reconnu avoir eu accès à l'oeuvre de Claude Robinson. «Mes clients avaient le droit de s'en inspirer. Ils n'avaient pas le droit de reprendre une partie importante de l'oeuvre», a indiqué l'avocat de France Animation. Ce qu'ils n'ont pas fait, a insisté l'avocat.

Cet aveu a surpris M. Robinson. «Après 16 ans durant lesquels ils ont toujours nié m'avoir connu, nié avoir eu accès à mon oeuvre, ce matin (hier), ils ont tous admis qu'ils ont effectivement eu accès à mon oeuvre. Seize ans où ils m'ont niaisé, où ils ont niaisé la cour», a-t-il dit aux médias présents, en marge de l'audience. Lorsque M. Robinson a porté plainte à la GRC pour plagiat en 1995, les fondateurs de Cinar, Ronald Weinberg et sa femme Micheline Charest (morte depuis), ont répondu qu'ils ne connaissaient même pas le plaignant.

Claude Robinson y voit une nouvelle stratégie élaborée par les quatre grands cabinets d'avocats qui représentent les appelants, alors que la stratégie précédente a échoué devant la cour de première instance. «C'est troublant de voir qu'ils changent de version selon l'étape du procès et qu'ils inventent encore une nouvelle histoire», a lancé l'homme de 59 ans.

Selon les coproducteurs de Robinson Sucroë, le juge Auclair a erré en droit en fondant sa décision sur le rapport d'expertise du docteur Claude Perraton. Appelé à témoigner au premier procès, le sémiologue a relevé de nombreuses similitudes entre l'oeuvre de M. Robinson et celle du Français Christophe Izard.

Le juge aurait dû étudier les différences entre les deux oeuvres, puisque les ressemblances n'étaient pas «substantielles», toujours selon les coproducteurs français et allemands. «La chanson thème, le format, l'objectif de l'émission, l'époque et les lieux dans lesquels elle se déroule n'ont rien à voir (avec le projet de Claude Robinson)», a fait valoir Me Lefebvre. L'avocat a fait entendre aux trois juges de la Cour d'appel les chansons thèmes des deux émissions, en plus de leur faire visionner des extraits de Robinson Sucroë.

L'objectif de l'émission Robinson Curiosité était de nature pédagogique, alors que celui de l'émission de M. Izard était un «pur divertissement», a insisté Me Lefebvre. Le personnage principal de Robinson Curiosité n'a rien en commun avec Robinson Sucroë à l'exception du chapeau, de la barbe et des lunettes qu'il porte, toujours selon les appelants. Ces derniers remettent également en cause le montant des dommages accordés à M. Robinson, de même que la responsabilité civile personnelle de Christian Davin, PDG de France Animation à l'époque, et de Ronald Weinberg.

M. Robinson n'a pas touché un sou des 5,2 millions de dollars accordés par le juge de première instance puisque la cause est toujours devant les tribunaux. Des amis de l'artiste et des gens d'affaires ont donc lancé une campagne de souscription qui a permis d'amasser 427 000$ jusqu'à présent pour lui venir en aide. «Cet argent pourrait me donner un souffle s'ils (les appelants) veulent aller en Cour suprême. À la base, l'objectif était de m'épuiser. Ils n'ont pas réussi encore», a conclu le dessinateur et auteur.