La mort de Fredy Villanueva et l'émeute qui a suivi à Montréal-Nord ont fait éclater au grand jour les relations tendues entre la police et les jeunes des secteurs chauds de Montréal. Deux ans plus tard, un documentaire tourné dans le quartier Saint-Michel montre qu'une tout autre dynamique est possible. Dans Les poings serrés, de la réalisatrice Mélissa Beaudet, on suit deux jeunes qui ont retrouvé le droit chemin grâce à un club de boxe fondé par un policier hors du commun.

Steven Généreux n'avait pas grand-chose à quoi se raccrocher dans la vie. Sa mère s'est suicidée quand il avait 9 ans; son père est mort d'une crise cardiaque quelques années plus tard. Il collectionnait les échecs à l'école. Il traînait dans les rues. Le jour où il a mis les pieds dans le club de boxe L'Espoir, il a trouvé ce qu'il cherchait: une nouvelle famille.

Dans le documentaire Les poings serrés, la réalisatrice Mélissa Beaudet suit le parcours de Steven et d'un autre adolescent, Roodsy Vincent, qui vivent tous les deux dans le quartier Saint-Michel.

Dans ce quartier, l'un des plus défavorisés au Canada, les gangs de rue deviennent trop souvent la famille que les enfants vulnérables cherchent tant. Evens Guercy, patrouilleur de la police de Montréal, a voulu changer cela. Et, surtout, donner «quelque chose à faire» à ces jeunes qui traînaient au métro Saint-Michel après la classe, faute d'avoir les moyens de s'inscrire à des activités parascolaires.

Ce policier, sociologue de formation et passionné de boxe, a réussi il y a cinq ans à convaincre la Ville qu'un club de boxe où les jeunes s'entraîneraient gratuitement contribuerait à combattre la délinquance et l'exclusion sociale. Les jeunes doivent obligatoirement fréquenter l'école pour s'y entraîner.

Ce n'a pas été une tâche facile, mais au fil des ans le patrouilleur a rallié à sa cause des collègues policiers, des enseignants et des élus. «On a un but commun: aider la jeunesse du quartier Saint-Michel», dit d'ailleurs dans le film le partenaire d'Evens Guercy dans le projet, l'agent Charles Dubois.

Le club de boxe L'Espoir a fait l'objet de nombreux reportages depuis sa mise sur pied il y a cinq ans. La force de ce documentaire est de le présenter «de l'intérieur» en laissant aux jeunes le soin de raconter comment leur adhésion au club a été salutaire. On découvre rapidement que leurs combats les plus difficiles ne sont pas ceux qu'il mènent dans le ring.

«Si une journée je file moins, je vais à la boxe, je me défoule, puis après ça va bien», dit Steven, le jeune orphelin, qui rêve d'être briqueteur. À force de fréquenter le club, les jeunes sont plus disciplinés, sans compter que, au sortir d'un entraînement, le soir, ils sont souvent trop fatigués pour faire les 400 coups dans les rues. «Ils apprennent à respecter des règles. Dans un combat de boxe, il y a des rounds, des cloches, des arbitres. Les arbitres (dans la vie), ce sont les policiers, les profs, les parents», souligne l'enseignant de Steven, André Daviau, interviewé dans le film.

Mélissa Beaudet a rencontré Evens Guercy il y a plusieurs années alors que tous deux faisaient de la suppléance dans une école secondaire de Lachine. «J'étais fascinée par les liens qu'Evens réussissait à créer avec les jeunes en les traitant d'égal à égal», raconte la réalisatrice de 28 ans à La Presse.

Une visite à son club de boxe en 2008 a fait perdre à la jeune femme les préjugés qu'elle pouvait entretenir sur ce sport. Et cela lui a donné l'idée de faire ce film. «J'ai découvert des jeunes qui s'entraînent avec sérieux dans le respect les uns des autres. De jeunes Latinos, Noirs, Asiatiques et Blancs qui forment une famille», explique la réalisatrice, elle-même issue d'un milieu défavorisé. Pendant six mois, elle s'entraînera avec eux sans caméra, pour mettre en confiance ces jeunes au passé parfois trouble.

Les événements tragiques survenus à Montréal-Nord en 2008 auraient-ils pu se dérouler à Saint-Michel? Mélissa Beaudet hésite avant de répondre. «Evens (Guercy) et Charles (Dubois) ne peuvent pas sauver tout le monde. Mais la vision et le dévouement de certains policiers dans un quartier peuvent certainement faire une différence», conclut la jeune femme.

Une présentation publique gratuite du documentaire Les poings serrés a lieu ce soir à 18 h à la TOHU. Il sera aussi télédiffusé le 10 août à 20 h à RDI.