L'ex-olympien devenu chef d'une organisation prospère de narcotrafiquants dans le sud-ouest de Montréal, Jean Lavertue, a écopé huit ans d'emprisonnement cet après-midi au palais de justice de Montréal. Détenu depuis de son arrestation il y a un peu plus d'un an, il lui reste cinq ans et huit mois à purger.

Le clan Lavertue est une organisation «atypique» qui n'a pas posé de gestes de violence pour protéger son territoire de vente de drogues. L'organisation a plutôt accepté de verser plusieurs centaines de milliers de dollars à un autre groupe criminel pour obtenir le droit d'y faire des affaires, a résumé le juge Jean-Pierre Bonin de la Cour du Québec. 

Les complices de Jean Lavertue, ses frères Patrick et Stéphane, ont quant à eux écopé de cinq ans d'emprisonnement. Il leur reste deux ans et huit mois à purger. Patrick, 32 ans, était le bras droit du chef. Stéphane, âgé de 34 ans, était le comptable de l'organisation. Décrit comme un passionné d'armes à feu, pas moins de 16 armes à feu ont été trouvées chez lui à Pointe-Claire au moment d'une perquisition.

Le chef du clan, Jean, 35 ans, entretient des liens avec des motards des défunts Rockers de Montréal, selon la preuve déposée en cour. Son centre de conditionnement physique Gym Expert, à Verdun, lui servait de lieu de rencontre avec ses associés criminels. Le clan désignait d'ailleurs des kilos de cocaïne comme des protéines.

Le responsable de la cache de drogues du clan, Patrick Rondeau, alias le «Goaler», a aussi écopé de cinq ans d'emprisonnement. Arrêtés dans le cadre du projet Axe, les frères Lavertue ont reconnu leur culpabilité à des accusations de gangstérisme, de trafic de drogues et de recel d'argent le 8 avril dernier. Ils devront purger la moitié de leur peine avant d'être admissible à la libération conditionnelle.

Les frères Lavertue avaient l'habitude d'organiser chaque année une fête pour leurs clients dans un buffet de l'arrondissement de LaSalle. Une moto Harley-Davidson était tirée au sort pour l'occasion. Un billet était remis aux convives pour chaque once de cocaïne achetée durant l'année. Les meilleurs clients avaient donc plus de chances de remporter le prix, selon la preuve déposée durant le processus judiciaire.

Au début de l'enquête, en janvier 2006, les frères Lavertue n'étaient pas la principale cible de la division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Les enquêteurs avaient plutôt dans leur ligne de mire Emmanuel Zéphir, ancien membre de gangs de rue soupçonné d'entretenir des liens criminels avec la clique des Syndicate, elle-même affiliée aux Hells Angels Nomads de Maurice "Mom" Boucher.

Emmanuel Zéphir et son frère Jean-Ismaël ainsi que les deux présumées têtes dirigeantes des Syndicate, Gregory Wooley et Dany Cadet-Sprinces, ont aussi été arrêtés dans le cadre de la plus importante opération contre les gangs de rue de l'histoire du SPVM. Wooley et Cadet-Sprinces étaient déjà derrière les barreaux lorsqu'ils ont été accusés de nouveaux crimes. Leur cause est toujours devant les tribunaux.

En cours d'enquête, les policiers ont découvert que le clan Lavertue, dirigé par l'ex-haltérophile et olympien canadien Jean Lavertue, fournissait de la cocaïne à une cinquantaine de clients, allant de l'once au kilogramme. D'août 2007 à février 2009, son chiffre d'affaires a atteint 4 millions de dollars. L'entreprise a généré des profits nets d'un peu plus de 1 million.

Le clan Lavertue devait acheminer cet argent vers une seconde organisation criminelle dont les membres sont emprisonnés, par l'entremise d'un groupe intermédiaire. Chaque mois, le clan versait de 6000 à 10 000$ aux cinq membres de cette organisation criminelle en échange du droit de vendre sur son territoire incluant le quartier Émard, Verdun, Pointe Saint-Charles, Saint-Henri, LaSalle et Lachine. Le clan avait également des clients à Brossard et à Longueuil.

La Couronne avait plutôt recommandé dix ans d'emprisonnement contre Jean Lavertue. Or, le juge Bonin a tenu compte du fait que les Lavertue n'avaient pas d'antécédents judiciaires significatifs et qu'ils avaient une situation familiale stable.

 

«Même s'ils n'avaient pas d'antécédents, ils se sont impliqués dans une organisation d'envergure très sophistiquée que l'on pourrait qualifier d'entreprise. Même s'ils ne portaient pas les couleurs d'un groupe criminel organisé connu, il s'agissait d'acteurs importants dans le monde des stupéfiants», a indiqué la représentante de la poursuite, Me Catherine Chagnon, à sa sortie de la cour.

 

De son côté, la défense, qui réclamait six ans de prison pour le chef du clan, s'est dite «satisfaite de la peine dans les circonstances». «Ce n'est jamais plaisant d'envoyer quelqu'un en prison», a dit l'avocat du clan, Me Loris Cavaliere.

Au terme du projet Axe, une quarantaine de personnes liées à trois groupes criminels ont été appréhendées. Quelque 700 policiers ont participé à l'opération initiée par le SPVM en collaboration avec le Service de police de Longueuil, la Gendarmerie royale du Canada et la Sûreté du Québec. Cette enquête avait également fait ressortir les liens d'amitié entre trois joueurs du Canadien - dont les frères Kostitsyn - et Pasquale Mangiola, accusé de trafic de drogues, trafic d'armes et complot dans la présente affaire. Aucune accusation n'a été portée contre les trois hockeyeurs.