Ducarme Joseph s'est fait beaucoup d'ennemis au fil de ses quelque 25 ans de carrière criminelle. Sa tête a souvent été mise à prix, si l'on en croit un document de la division des renseignements criminels du Service de police de la Ville de Montréal produit en cour plus tôt cette semaine.

L'attentat de la semaine dernière, qui a fait deux morts et deux blessés dans sa boutique de vêtements du Vieux-Montréal, n'est pas le premier auquel réussit à échapper l'homme de 41 ans.

 

En 1999, Joseph et deux de ses complices ont tenté de voler une cargaison de drogue aux Rockers, clan guerrier des Hells Angels Nomads. Les Rockers se sont défendus et ont criblé de balles le véhicule de Joseph, puis ils ont fait tuer l'un de ses complices, Jean-Louis Agabus, alors qu'il se trouvait en Haïti.

En 2002, un tueur à gages a été embauché pour assassiner Joseph, indique le rapport policier, qui ne précise pas qui avait donné ce contrat. Lorsque les enquêteurs du SPVM l'ont appris, ils ont averti Joseph du danger. Sa réponse: il n'avait aucune crainte pour sa vie.

«Depuis plus de 10 ans, ce sujet fait l'objet de menaces de mort à cause de ses activités criminelles violentes», peut-on lire dans le document préparé par le sergent-détective Jean-Claude Gauthier.

Les vertus du vaudou

Selon cet expert des gangs, Joseph projette l'image d'un homme invincible auprès de ses ennemis. Adepte de vaudou, il porte une amulette pour sa protection, a-t-il lui-même déjà confié au policier.

Au mois de septembre dernier, alors que sa tête était encore une fois mise à prix, le criminel s'est vanté à un autre policier du fait que les seuls «capables de le tuer» provenaient des États-Unis. Il a dit qu'il sortait en public le plus souvent possible pour prouver qu'il ne craignait rien.

L'auteur d'une lettre trouvée en la possession de Joseph au moment de son arrestation vendredi dernier parle de «gars à éliminer», laissant présager une revanche. Sur une autre page, le dessin d'un trident, symbole du gang américain des Folk Nation, figure à côté de l'inscription «Le Vieux et un autre gars R qui est (sic) la priorité».

Fondateur du gang 67 (affilié aux Bleus), Joseph est toujours, selon la police, le chef d'un puissant gang, qui ne porte toutefois plus de nom à la suite d'une purge interne survenue en 2003.

Hummer et Jaguar

Joseph, alias Le Parrain, King, Salomon, Seigneur, Kenny ou encore Ducarmel, récompense ses meilleurs soldats en leur fournissant des véhicules de luxe: un Hummer ou une Jaguar. L'idée, c'est de faire l'envie de membres d'autres gangs pour qu'ils adhèrent au groupe, selon le document policier.

Et gare à ceux qui lui tiennent tête. Au cours d'une dispute, Joseph a un jour tenté de pousser sa conjointe hors d'un véhicule en marche alors qu'il roulait à 180km/h. Il a déjà frappé à coups de pied et de poing un homme qui avait eu le malheur de remorquer sa Porsche Boxster, garée illégalement. Joseph a des antécédents de violence qui remontent à 1987.

La police soupçonne son gang de s'être livré à plusieurs actes d'intimidation dans les bars et restaurants du centre-ville, l'été dernier. Le 26 juin, Joseph était au Time Supper Club avec ses gardes du corps Peter Christopoulos (mort dans la fusillade de jeudi dernier) et Stevenson Fleurant lorsque l'escouade policière Éclipse, chargée de lutter contre les gangs de rue, a débarqué dans le restaurant.

Fleurant a refusé de montrer ses papiers et a été arrêté pour entrave. Joseph s'est alors interposé en disant aux policiers qu'il connaissait des gens en politique, bien plus influents que le directeur du SPVM, peut-on lire dans le document. Les policiers ont rendu de nouveau visite à Joseph au même restaurant à la mi-août. Encore une fois, ce dernier s'est vanté d'«être au-dessus des lois».

En juillet, Joseph, accompagné d'une quinzaine de personnes, aurait menacé des employés du chic hôtel W, dans le Vieux-Montréal: «Si vous ne nous laissez pas entrer, je vais faire sauter la place», aurait-il dit, selon le document de cour. Il serait même allé plus loin en disant que l'un de ses acolytes, Osborn Anthony (victime d'une tentative de meurtre quelques mois plus tôt), deviendrait le «boss de l'endroit».

Joseph et ses gardes du corps ont été arrêtés deux mois plus tard pour une affaire d'agression armée et d'intimidation survenue cette fois au restaurant Buona Notte, boulevard Saint-Laurent. Cette cause est toujours devant les tribunaux. Joseph sera de retour en cour demain pour la suite du processus judiciaire.