La chauffeuse de camion Dany Riendeau n'aurait pas dû se trouver à l'angle des rues Fleury et D'Iberville, où son semi-remorque a écrasé Lucie Rivard-Lanouette, 76 ans, le 3 février 2009.

Si le règlement sur les heures de conduite avait été respecté, Mme Riendeau serait restée chez elle ce matin-là. Elle avait déjà travaillé ses 70 heures réglementaires au cours de la semaine précédente.

 

Mais c'était la dernière journée de chargement de neige à la suite d'une tempête qui avait déversé 25 cm de neige sur Montréal.

Au moment de l'accident, Mme Riendeau avait été aux commandes de son semi-remorque précisément 77 heures et 54 minutes dans la dernière semaine, selon l'agent Jaquelin Février, de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ).

M. Février a témoigné hier à l'enquête du coroner Luc Malouin sur quatre morts survenues à Montréal l'hiver dernier pendant des opérations de déneigement.

Mme Riendeau a également témoigné hier. Elle a 20 ans d'expérience dans la conduite de poids lourds. Elle a reconnu, la gorge nouée par l'émotion, qu'elle n'avait pas vu la victime ni avant ni pendant sa manoeuvre.

«Je suis ici parce que je ne l'ai pas vue, a-t-elle dit. Quand j'ai eu les trois quarts du virage faits, j'ai entendu un bruit. Dans le miroir, j'ai vu le corps.»

Elle reconnaît avoir excédé son nombre d'heures de travail. Elle a d'ailleurs acquitté une amende à cet égard. «De là à dire que j'étais brûlée, non», a-t-elle nuancé.

La question semble importante pour le coroner Malouin, qui est intervenu pendant le témoignage de l'agent Claude Bernier, du SPVM, qui a reconstitué l'accident. «Pour la conductrice, il y a une ou deux secondes pour repérer la victime. Il n'y en a pas 30. Ça se fait vite, il faut être hyper alerte», a dit le coroner.

Angles morts

Comme ce fut le cas la veille, les policiers ont montré que les angles morts à bord d'une cabine de camion sont des pièges pour les piétons. Mme Rivard-Lanouette, qui mesurait 1,50 m, aurait été complètement invisible à des distances variant de 2 à 2,8 m du côté droit du camion.

Plus tôt dans la journée, le coroner a entendu le camionneur Marc Choquette, impliqué dans un autre accident ayant fait deux morts la même journée.

Lui aussi a 20 ans d'expérience, en particulier dans le déneigement sur le Plateau-Mont-Royal. «Je ne blâme pas les citoyens, mais les piétons ne sont pas conscients de la grosseur des équipements de déneigement, ils se tiennent trop proche», a-t-il dit.

Cependant, il a dû expliquer pourquoi il n'avait pas de permis de conduire valide ce matin-là. Il avait eu un permis restreint d'une durée de trois mois qui était échu depuis le mois de décembre précédent. Il devait passer un examen pour retrouver son permis, perdu parce qu'il avait atteint le maximum de points d'inaptitude. «C'est une erreur de communication avec mon avocat», a-t-il dit.

L'enquête du coroner Malouin reprend demain avec le témoignage d'un expert de l'École polytechnique ainsi que de représentants de la SAAQ et de la Ville de Montréal.