Cozy Cove Lane ressemble à plusieurs autres rues du village de Tweed, en Ontario. Une douzaine de cottages s'alignent le long d'un petit lac gelé où trônent quelques cabanes de pêcheurs.

Le bungalow gris du colonel Russell Williams et de sa femme ressemble lui aussi à plusieurs maisons de campagne... Mis à part le périmètre de sécurité qui l'entoure et les deux voitures de police qui la gardent 24 heures sur 24.Depuis dimanche, rien n'est plus normal pour les résidants de Tweed, un village situé à 50 km de la base militaire de Trenton. Russell Williams, commandant de la base, un homme affable qui faisait son jogging presque tous les matins, a été accusé d'avoir tué deux femmes et d'en avoir agressé sexuellement deux autres.

Hier matin, au Tim Hortons du village, quelques résidants lisaient la dernière parution du Globe and Mail. Le quotidien révélait que Williams, 46 ans, aurait tout avoué aux enquêteurs après son arrestation, dimanche soir. Williams aurait admis avoir tué Jessica Lloyd, 27 ans, dont le corps a été découvert lundi dans un fossé de Tweed, 10 jours après sa disparition. Il aurait également avoué être l'auteur du meurtre de Marie-France Comeau, caporale de l'armée tuée par asphyxie en novembre dernier dans sa résidence de Brighton, non loin de la base.

Russell Williams, qui comptait 23 ans de service dans l'armée, serait également l'auteur d'une cinquantaine de vols de sous-vêtements commis dans des résidences de la région. Et finalement, il aurait admis avoir agressé sexuellement deux de ses voisines au mois de septembre dernier.

Les deux femmes ont été victimes de la même étrange agression. En pleine nuit, un intrus masqué les a bâillonnées avec du ruban adhésif et une taie d'oreiller. Toutes deux ont eu la même impression: l'intrus les avait photographiées. L'ordinateur de Russell Williams, qui était photographe amateur, pourrait contenir des photos des meurtres et des agressions, selon le Globe and Mail.

Chez les voisins du militaire, c'était la consternation, hier. Russell Williams et sa femme, Mary Elizabeth Harriman, ont une maison de campagne à Tweed depuis environ cinq ans. Leur résidence principale se trouve dans un quartier cossu d'Ottawa, où Mme Harriman travaille à titre de codirectrice de la Fondation des maladies du coeur du Canada.

«Ils venaient ici surtout en été et pendant les week-ends, a raconté leur voisin immédiat, Larry Jones, 65 ans. On le voyait souvent tondre sa pelouse. Il enlevait toujours les grenouilles de son terrain pour ne pas les tuer. Il faut croire qu'il aimait les animaux plus que les femmes...»

Des proches ébranlés

L'arrestation de Russell Williams a semé le dégoût, mais aussi l'incompréhension chez les proches des deux victimes. Particulièrement chez le père de la caporale Marie-France Comeau, Ernest Comeau, qui a lui-même été militaire pendant 42 ans.

«Nous sommes assurément contents que quelqu'un soit maintenant derrière les barreaux», a-t-il dit, hier, quand La Presse l'a joint à son domicile de la région d'Ottawa. La veille, M. Comeau avait toutefois confié avoir perdu confiance en l'armée.

«Les Forces sont comme une grande famille, a-t-il dit au Globe and Mail. Le commandant de la base est comme un père. Il doit prendre soin de ses hommes et de ses femmes.»

Hier, la famille de Jessica Lloyd préparait pour sa part les funérailles de la jeune femme, qui auront lieu samedi. Vers midi, sa mère, Roxanne, est allée chercher quelques pièces de vêtements à la résidence de Jessica, à Belleville, là où elle aurait été enlevée le 28 janvier. Elle n'a pas voulu nous parler.

«C'est un moment difficile pour la famille, a dit un policier qui les escortait. Et elle souhaite le vivre dans l'intimité.» Jessica Lloyd, fille d'un militaire aujourd'hui décédé, travaillait dans une entreprise de transport d'écoliers.

Russell Williams comparaîtra de nouveau aujourd'hui, par vidéoconférence, devant le tribunal de Belleville. Rappelons que les enquêteurs de la Police provinciale de l'Ontario et de la police de Belleville ont arrêté Williams dimanche soir sur la route 37, où ils avaient dressé un barrage. Ils ont relié les pneus de son Nissan Pathfinder aux traces relevées dans la neige sur le terrain de Jessica Lloyd.

Le parcours de Russell Williams

1987

Russell Williams s'enrôle dans l'armée canadienne.

1990

Il devient pilote et est basé à Portage, au Manitoba, où il est instructeur pendant deux ans.

1992

Est muté à Shearwater, en Nouvelle-Écosse. Il pilote alors des Challenger CC-144 dans le cadre de la guerre électronique et de la surveillance côtière. Il est ensuite muté à Ottawa, où il est pilote pour les dignitaires canadiens et étrangers.

1999

Est promu major et posté au bureau du Recrutement et carrières militaires, où il occupe un poste administratif.

2004

Obtient une maîtrise, est promu lieutenant-colonel et est basé à Trenton, où il commande le 437e escadron de transport.

Décembre 2005 à juin 2006

Dirige le camp Mirage (base canadienne logistique non officiellement reconnue par le gouvernement), près de Dubaï.

2009

Est promu colonel et devient commandant de la base

Les présumés victimes du militaire

2 meurtres

JESSICA LLOYD,

27 ANS Son corps a été retrouvé près de la ville de Tweed, lundi.

MARIE-FRANCE COMEAU,

38 ANS Son corps a été retrouvé le 25 novembre 2009 dans sa maison de Brighton.

2 AGRESSIONS

Williams aurait agressé deux femmes à leur domicile les 17 et 30 septembre 2009 dans la région de Tweed.

UN NOUVEAU CAS?

Kathleen MacVicar, 19 ans. Le corps de la femme a été retrouvé en juin 2001 à la base militaire de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse. Elle avait été agressée sexuellement et poignardée.

DES CAMBRIOLAGES

Le commandant aurait également avoué plusieurs dizaines de «cambriolages» fétichistes aux policiers.