Lors d'un match de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, la saison dernière, un jeune hockeyeur a agressé un joueur de l'équipe adverse. Celui-ci a reçu des coups de bâton à la poitrine et au visage, puis a été projeté au sol. La victime n'a pas jeté les gants, mais a plutôt décidé de porter plainte. Hier, le joueur à l'origine de l'agression a été reconnu coupable de voie de fait armée. Cette histoire survient peu de temps après que la LHJMQ eut resserré ses règles en matière de bagarres.

L'ex-hockeyeur de la LHJMQ reconnu coupable, hier à Montréal, de voie de fait armée pour un geste commis pendant un match, est «victime du système», a déploré son avocat, Me Richard Shadley. Le jeune homme a été puni pour avoir fait son travail dans un système où les bagarres sont permises, a-t-il ajouté. «Le hockey se joue de cette façon parce que c'est ce que le monde réclame. On ne peut pas faire porter le blâme à ce jeune homme», a dit l'avocat, hier, au moment des plaidoiries sur la peine en chambre de la jeunesse à Montréal. «Si X (la victime) avait jeté les gants, on ne serait pas ici aujourd'hui», a ajouté Me Shadley.

«On ne peut pas avoir une justice parallèle pour les joueurs de hockey et pour les autres jeunes, a répliqué la procureure de la Couronne, Me Ellen Baulne. Aucun sportif n'est à l'abri des lois.»

Plus tôt dans la journée, le juge Jacques A. Nadeau a déclaré coupable le jeune homme maintenant âgé de 18 ans de voie de fait armée, à la suite du geste qu'il a commis durant une mêlée lors d'un match de la LHJMQ, la saison dernière. Le magistrat a précisé d'emblée que la cause était «spéciale» en raison du contexte dans lequel le crime a été commis. «L'aréna n'est pas un sanctuaire où la loi ne s'applique pas», a rappelé le juge.

Une ordonnance de non-publication empêche les médias d'identifier l'accusé, mineur au moment des faits, ainsi que la victime qui, elle, était majeure.

En troisième période, l'accusé a donné deux coups de bâton à la poitrine à la manière d'un double-échec à un joueur adverse (la victime) sans que ce dernier réagisse; l'accusé lui a ensuite asséné un coup de bâton au visage qui l'a projeté au sol.

Un geste «excessif»

Le juge Nadeau a qualifié ce dernier coup d'«excessif» et de «dangereux», «suffisamment grave pour être considéré criminel». Le coeur de la cause: le consentement d'un joueur de hockey à recevoir des coups durant un match, a précisé le magistrat.

Au moment de son procès, l'accusé avait plaidé que c'était un «coup accidentel, un réflexe». Il a fait ce geste alors que les règles de la LHJMQ sur les bagarres venaient d'être resserrées. Selon un témoin reconnu expert en hockey par la Cour à la demande de la défense, Claude Lefebvre, ces nouvelles règles ont semé la confusion chez les jeunes hockeyeurs, qui ne savaient plus comment inciter un adversaire à se battre sans laisser tomber les gants.

Le juge Nadeau n'a pas retenu cette conclusion. Il a aussi rejeté celle d'un second témoin expert en hockey, Alain Rajotte, qui avait témoigné du «code de conduite non écrit» selon lequel la victime était «entrée dans la bulle de l'accusé» en ne lui tournant pas le dos.

«Comme une statue»

Après avoir visionné une vidéo de l'incident, le magistrat a toutefois conclu que l'accusé était l'«instigateur» et qu'il voulait engager le combat. La victime, elle, n'a ni jeté les gants, ni échangé de paroles avec son adversaire. Elle est restée comme «une statue» devant l'accusé. «On ne peut pas présumer que la victime consentait à la bagarre ni à recevoir un coup dans le visage», a indiqué le juge Nadeau dans une décision détaillée dont la lecture lui a pris une heure.

La victime a pu revenir au jeu le soir même, après avoir reçu des soins (points de suture à la bouche). Rappelons que l'accusé a écopé d'une suspension «sévère» (selon les critères de la ligue) de plusieurs matchs. Le juge Nadeau a souligné que la Cour n'est pas liée à cette décision disciplinaire interne.

La Couronne recommande que l'accusé purge une peine en mise à l'épreuve assortie de conditions, dont celle de ne pas entrer en contact avec la victime ni de se retrouver sur la même patinoire qu'elle. Elle souhaite aussi que l'accusé fasse un don de 1000$ à un organisme de charité.

De son côté, la défense plaide pour une peine moins sévère, soit une réprimande. Prévue seulement dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la réprimande est encore moins sévère qu'une absolution inconditionnelle. Ainsi, l'adolescent n'aurait pas de casier judiciaire et son dossier de cour s'effacerait au bout de deux mois. Le juge Nadeau rendra sa décision le 14 décembre.

L'accusé ne joue plus au hockey. La victime, elle, joue toujours dans la LHJMQ. Cette ligue semi-professionnelle compte 18 équipes, majoritairement établies dans la province et composées de joueurs d'élite âgés de 16 à 20 ans.