L'ex-lieutenante-gouverneure Lise Thibault faisait largement usage des fonds publics pour ses dépenses personnelles, allant même jusqu'à facturer ses dépenses d'épicerie aux contribuables.

En marge de la préenquête à huis clos sur l'opportunité de porter des accusations contre celle qui a représenté la reine pendant 10 ans à Québec, La Presse a appris d'autres faits juteux qui lui sont reprochés. L'enquête de la SQ, qui a duré plus de deux ans, a par exemple révélé que Mme Thibault était cliente du Bifthèque, une chaîne de restaurants-grills avec boucherie attenante. Mme Thibault y faisait commander ses filets mignons «personnels» et refilait la facture aux contribuables comme «frais de restaurant», ont expliqué plusieurs sources.

Autre histoire juteuse, déjà connue celle-là toutefois : elle a tenu une coûteuse fête d'anniversaire pour sa fille et présenté des notes de frais pour une réception qui, officiellement, marquait l'anniversaire de sa propre nomination.

En juillet dernier, le tribunal a autorisé la divulgation des arguments soumis par les enquêteurs de la SQ pour obtenir un mandat de perquisition. La SQ se posait des questions sur d'étranges virements de fonds entre les comptes bancaires de Mme Thibault.

Dans leurs déclarations sous serment, les enquêteurs indiquent que les chèques du gouvernement fédéral étaient déposés dans un compte que détenait Mme Thibault à la Banque Royale, principalement utilisé pour le fonctionnement du cabinet.

En tout, il y a eu des virements d'une valeur totale de 176 381$ de ce compte vers d'autres comptes. La raison des virements est rarement inscrite dans la comptabilité du cabinet. Une portion de 70 431$ correspond exactement aux dépenses de repas réclamées à Patrimoine Canada entre 1999 et 2003. Dans la différence, 105 949$, il demeure environ 67 000$ de virements inexpliqués.

À partir de 2004, le fédéral a versé 45 600$ annuellement pour les dépenses de Mme Thibault dans la capitale. En 2005 et 2006, les sommes ont été déposées dans deux autres comptes, à la Banque Royale et à la caisse populaire de Saint-Jérôme (Mme Thibault habite à Saint-Hippolyte, dans les Laurentides).

Aussi, les documents divulgués cet été montrent que Guy Hamelin, le garde du corps et responsable de la sécurité de Lise Thibault, n'a pas eu besoin de contracter une hypothèque quand il a acheté une résidence de 100 000$ à Sainte-Anne-de-Beaupré. Dès le premier mois où il a été propriétaire, il a fourni des reçus à Mme Thibault pour l'utilisation de la résidence et, dès le premier mois, celle-ci a fait une fausse déclaration en affirmant qu'elle y passait un nombre exagéré de nuits. Par exemple, elle a soutenu avoir passé 15 nuits à cette maison en mars 2003. À l'examen de son agenda, la police estime plutôt qu'elle n'a passé que neuf jours à Québec ce mois-là.

En résidant officiellement à Sainte-Anne-de-Beaupré, Mme Thibault pouvait se faire rembourser davantage de frais parce qu'elle pouvait soutenir qu'elle était «en dehors de Québec», où se déroulent ses activités normales.

Au total, l'État aura versé 29 600$ à Lise Thibault pour ce loyer, somme qu'elle a remise à son garde du corps. Hamelin fournissait des reçus mensuels à sa patronne avec les justifications d'allocation pour location. Jusqu'en décembre 2003, ces allocations étaient de 500$ par mois. Elles ont augmenté graduellement jusqu'à 700$ en mai 2007.