Dans les règles non écrites du hockey, un joueur qui refuse d'engager le combat ne doit pas «camper sa position» devant le joueur qui le provoque. S'il ne recule pas, il doit s'attendre à une «augmentation de l'intensité jusqu'à jeter les gants».

Cela fait partie du «code de conduite» des bagarres au hockey, a expliqué Alain Rajotte, analyste des matchs de la Ligue de hockey junior majeur (LHJMQ) du Québec pour la télévision communautaire Vox et ancien entraîneur dans cette ligue semi-professionnelle.

M. Rajotte était le troisième et dernier témoin de la défense, hier, au procès criminel du jeune hockeyeur de la LHJMQ accusé de voie de fait armée et de voie de fait causant des lésions, en chambre de la jeunesse à Montréal.

Durant une mêlée survenue lors d'un match la saison dernière, l'accusé a donné deux coups de bâton à la poitrine à la manière d'un double-échec à un joueur adverse - la victime - sans que ce dernier réagisse. L'accusé lui a ensuite asséné un «violent» coup de bâton au visage qui l'a projeté au sol, selon le rapport de l'arbitre du match.

La victime a pu revenir au jeu le soir même après avoir reçu des soins (point de suture à la bouche). Une ordonnance de non-publication empêche les médias d'identifier l'accusé, mineur au moment des faits, ainsi que la victime qui, elle, était majeure.

L'analyste sportif Alain Rajotte a assisté à la partie. Les premiers coups donnés par l'accusé étaient une «sollicitation à se battre», selon cet homme de hockey déclaré témoin expert par la Cour. Et le quatrième coup (au visage)? a demandé Steve Magnan, l'avocat de la défense, lui-même ex-joueur de la LHJMQ. «Je perçois ça comme une réaction pour contrer l'action du jeune joueur», a répondu l'analyste sportif. Ce dernier entend par «action» le fait que la victime ait «campé sa position pour conserver son espace ». Après avoir frappé la victime au visage, l'accusé a semblé «dépité», «déçu», «penaud», a indiqué M. Rajotte.

Contre-interrogé par la procureure de la Couronne, Ellen Baulne, l'homme de hockey a nuancé ses explications. Si la victime n'a pas bougé durant cette invitation à la bagarre, elle n'a rien fait, non plus, pour signifier qu'elle voulait se battre, toujours selon le «code».

La victime n'a pas feint de laisser tomber les gants, ni mis son gant dans le visage de son adversaire, ni positionné son bâton de façon menaçante. Elle a «campé sa position» pour tenter de faire écoper son adversaire d'une punition de double-échec, lui a suggéré la Couronne. Le témoin expert a répondu que c'était une «éventualité».

En jouant avec une demi-visière - la norme dans cette ligue -, les joueurs sont «exposés» aux blessures, a aussi précisé l'ex-entraîneur de la LHJMQ. Les jeunes «s'attendent» à être blessés, selon ce témoin expert.

M. Rajotte a décrit l'accusé comme un joueur au style «hargneux», un «combattant», un «leader par son éthique de travail». L'entraîneur adjoint de l'accusé venu témoigner avant M. Rajotte - et aussi déclaré témoin expert par la Cour - en avait fait une description similaire.

Les plaidoiries des deux parties se dérouleront le 30 juillet devant le juge Jacques A. Nadeau. La victime et les parents de l'accusé assistent au procès. Rappelons que le jeune hockeyeur a écopé d'une suspension «sévère» (selon les critères de la Ligue) de plusieurs matchs pour son geste. La LHJMQ compte 18 équipes majoritairement établies dans la province et composées de joueurs d'élite âgés de 16 à 20 ans.