Le crime commis par Francis Proulx est «odieux» et «sordide». La famille de la victime, Nancy Michaud, est «choquée» et «marquée à jamais». «Cela dit, vous n'avez pas un rôle de vengeur», a souligné aux jurés l'avocat de Proulx, Me Jean Desjardins, à l'étape des plaidoiries, hier, au palais de justice de Québec.

Après 25 jours d'audience, le procès de Francis Proulx, accusé du meurtre prémédité de Nancy Michaud, est entré dans sa phase finale. Proulx doit être déclaré coupable, mais non criminellement responsable de la mort de Nancy Michaud, pour cause de troubles mentaux, a plaidé Me Desjardins.Proulx, 30 ans, est atteint du syndrome de Gilles de la Tourette et de troubles obsessifs-compulsifs. Ces troubles mentaux combinés à la prise de l'antidépresseur Effexor ont induit chez lui des changements de comportements «inquiétants et paradoxaux», selon la défense. «Dans des cas rares, l'Effexor a des effets totalement inattendus. Le cas rare, vous l'avez devant vous», a indiqué Me Desjardins.

Au moment où Proulx a commencé à prendre de l'Effexor, en 2006, pour régler ses problèmes d'anxiété, «l'agneau est devenu un loup», a-t-il ajouté. Proulx est devenu plus irritable, agité et agressif. Un changement «extrême» est survenu «au point qu'il est devenu un criminel endurci en quelques mois», a souligné la défense. Proulx a commis cinq vols qualifiés dans les mois précédant le meurtre de Mme Michaud.

Le soir du 15 mai 2008, Proulx n'avait pas l'intention de tuer l'attachée politique du ministre Claude Béchard, selon la défense. L'accusé a décidé d'aller se promener dans le cimetière de Rivière-Ouelle, village du Bas-Saint-Laurent, muni de son «kit de James Bond» (des vêtements noirs, une cagoule, des menottes et une arme à feu chargée). Il est entré chez Mme Michaud «sans but précis». Il y a eu ensuite une série «d'actions-réactions» reflétant un «manque de jugement total», a plaidé Me Desjardins. Après avoir menotté la victime, Proulx a voulu récupérer ses menottes. Il en a fait une obsession. C'est pour cela qu'il lui a tiré dessus, selon la thèse de la défense. «C'est horrible. C'est affreux. C'est malheureux, mais c'est ainsi que selon nous, ça s'est passé», a plaidé Me Desjardins.

L'Effexor a causé une perte de jugement et une désinhibition chez Proulx, déjà vulnérable en raison de ses troubles mentaux et de son bagage héréditaire de maladies mentales, selon deux psychiatres, Louis Morissette et Marie-Frédérique Allard, qui ont témoigné à la demande de la défense. Me Desjardins a par ailleurs demandé aux jurés de ne pas écarter le rapport d'expertise du Dr Morissette, bien qu'il ait commis un «impair important». Cet expert de l'Institut Philippe-Pinel a admis avoir menti sous serment au sujet de la preuve consultée pour préparer son témoignage plus tôt dans le procès.

La Couronne contre-attaque

De son côté, la Couronne a démoli la thèse de la défense. Proulx consomme toujours de l'Effexor aujourd'hui. Et l'accusé prend la même dose qu'au moment du meurtre, a souligné Me Annie Landreville. Ni le Dr Morissette ni la Dre Allard n'ont basé leur expertise sur des études scientifiques traitant de l'Effexor, a-t-elle dit. «Ce qu'on vous soumet en défense, c'est que Proulx serait le premier cas au monde. Une première mondiale basée sur rien!», a-t-elle vivement plaidé.

Me Landreville a écorché au passage la crédibilité du Dr Morissette. Le psychiatre n'a pas assisté au procès ni consulté la preuve pour préparer son rapport d'expertise, a-t-elle fait valoir. Le médecin s'est uniquement basé sur ses huit heures de rencontres avec Proulx et a menti «pour se donner de la valeur probante», a avancé Me Landreville.

L'accusé est plutôt un «individu évitant, manipulateur et menteur», selon la Couronne. Un criminel qui a donné plusieurs versions de son crime, selon la personne à qui il se confiait.

Les jurés devraient plutôt croire la thèse du «triomphe» exprimée par le psychiatre Sylvain Faucher, a plaidé Me Landreville. L'accusé est un «polytraumatisé de la vie» qui a choisi de «triompher» contre une société trop souvent injuste et hostile envers lui, selon le Dr Faucher, qui a témoigné à la demande de la Couronne. Le «triomphe suprême» étant de contrôler la vie ou la mort de quelqu'un. Le Dr Faucher, contrairement aux autres experts, a assisté à tout le procès. Et sa thèse se retrouve «dans tous les livres de psychiatrie», a souligné la Couronne.

«Posez-vous la question s'il (Proulx) n'a pas voulu vous déjouer, vous. Déjouer ses experts», a conclu la Couronne.