La présumée victime de Pascal Joël Théry n'est plus là pour témoigner. Elle est morte en avril dernier à l'âge de 31 ans après avoir contracté le VIH 10 ans plus tôt. L'homme avec qui elle a eu des relations sexuelles non protégées dès l'âge de 14 ans lui aurait caché son état.

M. Théry, 45 ans, a plaidé non coupable à une accusation d'agression sexuelle grave, hier, au palais de justice de Saint-Hyacinthe. La mère de la victime, présente au tribunal, l'a qualifié de «tueur en série».

Cette histoire relance l'épineux débat sur la criminalisation des personnes atteintes du VIH. Une sommité en matière de lutte contre le sida au Canada, le Dr Mark Wainberg, estime que la transmission du VIH ne devrait pas être considérée comme un crime. La coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-sida) est du même avis.

Les médias ne peuvent pas identifier la plaignante en raison d'une ordonnance de non-publication. La jeune femme aurait été contaminée entre le 1er novembre 1997 et le 1er mars 1998. Sa fille de 14 ans a tenu à être présente au tribunal, hier. «Il a gâché mon enfance. Je souhaite qu'il aille en enfer. Ma mère me disait qu'elle avait une maladie des poumons. Elle souffrait beaucoup. J'ai appris la vérité seulement quand elle est morte à l'hôpital», a dit l'adolescente, prise de sanglots.

«Je continue le combat de ma fille. Il ne sera jamais assez puni pour tout le mal qu'il nous a fait», a ajouté la mère de la victime, tout aussi ébranlée.

La victime a appris dans une lettre écrite par une ex-copine de M.Théry que ce dernier était séropositif. C'était en 1998. En 2005, elle a porté plainte à la police. Deux ans plus tard, M. Théry sera accusé. La victime ne pesait plus que 105 livres, alors qu'elle en avait déjà pesé 200, selon sa mère.

Une autre ex-conjointe, Rachel Courcelles, 30 ans, vit beaucoup d'angoisse. Elle a fréquenté l'accusé de 2003 à 2006. Il lui aurait aussi caché son état. Elle vient d'aller passer un test de dépistage et est en attente des résultats, a-t-elle confié aux médias, en marge de l'audience. «C'est un manipulateur. Il m'a tellement menti», a-t-elle dit. Mme Courcelles ne s'est pas jointe à la plainte pour l'instant.

Pascal Joël Théry est grand, il a le visage émacié et les cheveux gris-jaune. Il est en liberté sous condition d'ici au procès qui devrait commencer au début de 2009.

Plus de mal que de bien

Le Dr Wainberg fait un parallèle entre cette cause et le procès de Johnson Aziga qui se déroule actuellement en Ontario. M. Aziga aurait transmis le VIH à 11 femmes dont deux sont mortes des suites de l'infection. Il aurait caché son état à ses partenaires et refusé de mettre le condom. «Ce qui est arrivé est déplorable. Si j'étais membre du jury, je le reconnaîtrais probablement coupable, mais je considère tout de même que cela cause plus de mal que de bien de criminaliser ces gens», indique le médecin, directeur du Centre sida McGill situé à Montréal.

Les procès très médiatisés, comme celui de M. Aziga, dissuadent les gens de subir des tests de dépistage, selon le Dr Wainberg. «Si l'on ne sait pas que l'on est séropositif, logiquement, on ne peut pas être accusé de l'avoir transmis», explique le médecin. Au Canada, 30% des personnes vivant avec le VIH ne connaissent pas leur état.

«C'est plus important pour nous de considérer la personne vivant avec le VIH comme un malade qu'un criminel. N'oublions pas que les cas de transmission volontaire du VIH, prouvés hors de tout doute raisonnable, sont rares», ajoute Me Christine Vézina, de COCQ-sida.

Aucune étude scientifique n'a encore été faite sur les impacts négatifs de la criminalisation des personnes qui transmettent le VIH. «On manque de documentation sur le sujet», admet Me Vézina.

Une recherche terrain sera menée sous peu en Ontario sur le sujet.